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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 04:55

La guerre 1914-1918, on en parle beaucoup en cette année commémorative. Et si l'on redécouvrait la décennie qui va suivre ? Avec les séquelles du conflit mondial et les débuts de la psychanalyse, comme dans le roman d'Odile Bouhier. Avec les jeux secrets et meurtriers qui imposeront bientôt les dictatures, comme dans celui de Romain Slocombe. Ces deux romans sont disponibles en format poche dès le 4 septembre.

Odile Bouhier : La nuit, in extremis (Éd.10-18, 2014)

À l'automne 1921, la terrible guerre qui s'est achevée trois ans plus tôt reste dans tous les esprits, et dans les corps meurtris des combattants. En ce mois de novembre, c'est le procès de Landru qui intéresse surtout la population. À Lyon, la vie apparaît paisible, sans crime notoire. Ce qui déplaît à l'ambitieux procureur Pierre Rocher, qui rêve de briller dans la politique. Ces anarchistes qui prépareraient des attentats, voilà une affaire susceptible de lui apporter un certain prestige. Il charge Julien Legone, policier des Brigades du Tigre, d'infiltrer ces réseaux. Loin d'être honnête, avec ses trafics pornographiques, l'inspecteur se grime pour fréquenter le jeune anar cinéphile Romain et ses amis. Le professeur Hugo Salacan, criminaliste renommé, accueille quant à lui deux hôtes. Il s'agit d'un confrère scientifique et du policier américain Craig Copper. Cet Irlandais d'origine vient observer les méthodes du commissaire Kolvair. Ce dernier est fort occupé, en ce moment.

Âgé de vingt-et-un ans, Anthelme Frachant a pourtant participé à la guerre de 1914-18. à l'issue de laquelle, il fut incarcéré à la prison Saint-Paul. On vient de le libérer, d'autant que sa conduite semblait exemplaire. Néanmoins, le commissaire Kolvair soupçonne ce jeune homme d'un meurtre, sur le Front. À cause du temps des combats, il n'a jamais pu prouvé que Frachant a tué son ami, le lieutenant Bertail. Puisque son suspect s'installe dans une pension de famille à Oullins, Kolvair fait la même chose afin de le surveiller de près. Entre-temps, le premier contact entre le policier Copper et le commissaire Kolvair est plutôt agité, mais les deux professionnels sympathisent rapidement. L'Américain est prêt à suivre l'affaire Frachant avec son collègue. Peu après, un triple crime est commis à la pension de famille. Le couple de logeurs et un client ont été sauvagement assassinés. Kolvair pense d'emblée que la femme a été décapitée à la baïonnette. Rien n'a été volé, mais une profusion d'indices désignent Anthelme Frachant. Comme si son suspect espérait une sorte d'impunité…

C'est la troisième aventure mettant en scène le commissaire Kolvair et le professeur Hugo Salacan. Autour d'eux, on retrouve les protagonistes impliqués dans les deux précédentes affaires. Tels Jacques Durieux, l'assistant de Salacan, ou l'infâme inspecteur Legone. Pas de soucis pour les lecteurs découvrant cette série : l'auteure nous présente chacun dans son contexte, jusqu'à la page quarante. Ainsi que le policier Craig Copper, qui accompagne ensuite les investigations de Kolvair. Toutefois, ce n'est pas un strict roman d'enquête qui nous est proposé. Loin d'être balisé ou linéaire, le récit offre des incursions dans la vie privée des personnages. Par exemple, le mariage du légiste Damien Badou s'annonce fort houleux. Procédé narratif qui permet aussi, grâce aux souvenirs des anciens combattants Salacan et Kolvair, d'évoquer le conflit mondial encore récent. À l'image de la séduisante Bianca, les psychiatres d'alors se doivent d'être opiniâtres. L'article 64 du Code Pénal est très contesté, on le verra ici. Quant à ce diable de Landru, on suit aussi son retentissant procès, en parallèle de l'histoire. Un roman riche, confirmant l'excellente impression que nous donne cette série.

Polars poche : Odile Bouhier (10-18) et Romain Slocombe (Points)

Romain Slocombe : Première station avant l'abattoir (Éd.Points, 2014)

En avril 1922, Ralph Exeter est le correspondant à Paris du journal anglais Daily World. On le voit fréquenter les milieux culturels de Montparnasse, sans négliger une actualité plus politique. Marié à une épouse russe vivant en Grande-Bretagne, Exeter a été engagé par le patron du Daily World, journal de gauche, pour ses sympathies soviétiques. Son rôle va plus loin, puisqu'il est censé transmettre aux bolcheviques des infos secrètes émanant d'un dirigeant français. En réalité, c'est pour lui une combine afin d'empocher une prime mensuelle. La conférence économique internationale qui va se tenir à Gênes est un sujet plus sérieux. En cet après-guerre, c'est à cette occasion que l'équilibre des forces en Europe doit s'affirmer. Une foule de journalistes témoignera des travaux de la conférence, qu'on imagine décisive. La région de Gênes va grouiller d'infos capitales. Ralph Exeter s'y rend par le train, chargé de remettre un document à la délégation soviétique.

Durant le trajet, il va sympathiser avec son confrère américain Herbert Holloway. Un type quelque peu exubérant, mais expérimenté et réactif. Ils vont croiser un nommé Moselli, à l'allure inoffensive, qu'il faudra écarter de leur route. En Italie, outre les carabiniers, ils remarquent la grande présence des Chemises Noires. Si Benito Mussolini, qu'Exeter a déjà rencontré à Cannes, n'a pas encore pris le pouvoir, ses troupes sont visiblement prêtes. Les délégations de chaque pays sont à pied d'œuvre. Celle de la Russie semble encore plus sécurisée que les autres, à quelques kilomètres de Gênes. Exeter y prend contact avec le diplomate Rakovsky, lui avouant qu'il a perdu le document à transmettre. Chef des services secrets, le colonel Yatskov charge Exeter de repérer un certain Rosenblum. Cet aventurier meurtrier aurait berné les autorités bolcheviques dans une transaction. Parmi les nombreuses personnes venues à Gênes, Exeter tombe bientôt sous le charme d'une belle photographe américaine, Melicent Teydon-Payne...

Avec ses méandres politiques, l'entre-deux-guerres reste une fichue époque. Certes, les historiens en ont exploré beaucoup d'aspects. Ce sont généralement les grandes lignes de ces années 1920 et 1930 qu'on nous présente. Implantation du communisme, du fascisme et du nazisme, face aux démocraties européennes faibles. On devine les noirs arcanes et secrètes embrouilles qui eurent lieu en ces temps-là. Voilà ce que Romain Slocombe entreprend d'illustrer, et même de décrypter, dans ce riche roman d'espionnage. Il s'agit de restituer le climat délétère qui régnait alors. Slocombe s'inspire de son grand-père pour camper le journaliste Ralph Exeter. Mais on va aussi côtoyer d'autres personnages se référant à la réalité. Évidemment, le plus cocasse est Herb Holloway, “jumeau littéraire” d'Ernest Hemingway. Mussolini apparaît également ici avec ses contradictions, à la veille de la dictature. Quant aux apparatchiks, on les sent proches de ceux qui existaient au début du régime communiste. Un noir roman d'aventure, avec une belle dose de péripéties et de suspense. Encore une belle réussite à l'actif de Romain Slocombe.

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commentaires

O
Bonjour Claude<br /> Deux romans qui méritent en effet une réédition<br /> Très agréables à lire en attente d'autres parutions de ces deux auteurs<br /> Amitiés
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C
Exactement, mon cher Paul.<br /> Et puis, pensons au budget des lecteurs, de très bons romans à moindre coût, ce n'est pas négligeable. Amitiés.
P
Je l'ai acheté et lu dans la foulée.Depuis que je ne suis plus dans l'organisation, je reçois beaucoup moins de livres. C'est quand même beaucoup mieux, car l'on ne lit et l'on ne chronique que ce (ceux) que l'on a envie de lire. Ce n'est pas une surprise (je ne suis pas un perdreau de l'année) combien la capacité à l'oubli est grande et combien la mémoire fait défaut à tout ce petit monde qui pullule dans les festivals et salons (et leurs coulisses).
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P
C'est qui fait ta force et la qualité de ton travail. Sortir du clan et de la famille! La liberté se paye au prix fort , mais quelle respiration!
C
Comme tu le sais, je fais mes propres choix de lectures. Avec fidélité et sans complaisance, avec une envie de découvertes pour moi et pour celles/ceux qui ont envie de connaître les nouveaux talents. D'ailleurs, je crois qu'il y a une ouverture, parmi le public moins polar vers les romans que nous défendons. Les succès cette année de Nicolas Mathieu ou de Jérémie Guez, par exemple, me vont droit au cœur pour cette raison. Amitiés.
P
Romain Slocombe qui confirme avec la sortie récente de Avis à mon exécuteur chez Robert Laffont<br /> qu'il est bien un de nos tous meilleurs écrivains.<br /> Amitiés<br /> Pierre
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C
Salut Pierre<br /> J'attends de trouver &quot;Avis à mon exécuteur&quot; en librairie, pour le lire. Quant à ses qualités d'écrivain, elles sont indéniables. Amitiés.

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