À Paris, en 1835. Ancien soldat napoléonien, le sergent Mallet est concierge d’immeuble sous les arcades de la rue de Rivoli. Avec sa femme, ils ont eu une fille : “À dix-neuf ans, au moment où commence notre récit, la physionomie d'Eudoxie était décidée, et un peu trop caractérisée pour une femme. Ses grand yeux noirs très vifs, très éclatants, manquaient de douceur. Sa bouche, à l'expression dédaigneuse et résolue, souriait rarement pour laisser voir de fort belles dents.” Eudoxie est couturière, disposant d'un petit atelier dans l'immeuble, et aide quelque peu son père. Depuis deux ans, au sixième étage, habite le jeune poète allemand Frederik Halsener. Ce fils de général est idéaliste et généreux, ainsi que studieux afin d'obtenir une notoriété méritée.
Bien qu'Eudoxie soit amoureuse de lui, Frederik Halsener est totalement insensible aux attraits de la jeune fille. En fréquentant le Jardin des Tuileries, il a été ébloui par une jolie femme accompagnée de sa grand-mère malade. Surveillant ces deux dames, il s'aperçoit que la belle inconnue a un homme dans sa vie. Si cette Diane admire la poésie de Frederik, leur véritable rencontre n'intervient qu'après le décès de la grand-mère. Encore faut-il que Diane raconte son parcours de vie au jeune Allemand. Après la vente de leur propriété de Valcy à M.Bernard, la grand-mère de Diane favorisa un mariage entre elle et l'acquéreur. Quand il organisa une fête électorale en vue de son élection comme député, l'union entre l'industriel M.Bernard et Diane ne fit bientôt plus de doute.
Le romantisme de Diane se heurte vite aux réalités de couple, à la vulgarité de son mari : “Et quel culte pouvait m'inspirer cet homme sans élévation d'esprit, qui n'était bon que par le calcul […] habile et borné, sensuel et dur, vaniteux et courtisan ?” Cinq années d'un mariage bien sombre. Évidemment, dès qu'elle a croisé Frederik, ce fut le coup de foudre. Diane doit se montrer prudente : le couple se retrouve clandestinement chez Frederik pour préparer sa fuite. La fouineuse Eudoxie va apprendre l'identité de Diane. Jalouse et rageuse, elle s’empresse d'alerter l’époux cocufié. M.Bernard et son frère ne peuvent que réagir face à cette infâme trahison de Diane…
Née à Aix-en-Provence le 15 août 1810, Louise Colet est décédée à Paris le 8 mars 1876. Si elle fut une poétesse honorée par quelques prix et fréquentant les salons littéraires de son époque, on a oublié son œuvre. On retient plus volontiers qu'elle fut la maîtresse de Gustave Flaubert, du politicien Victor Cousin, d'Alfred de Vigny, d'Alfred de Musset et d'autres. On pourrait l'imaginer telle une arriviste prête à tout pour sa gloire. Sans doute s'inscrivait-elle plutôt dans le romantisme de son temps : “Sans l'amour, qu'est la vie ? Une voie douloureuse, environnée de ténèbres, où rien ne nous soutient, où rien ne nous éclaire. Avec l'amour, la route s'aplanit, une clarté sereine nous conduit ; nous ne sommes plus seul à souffrir, à douter, à attendre !”
Il ne faudrait pas oublier que, durant ce 19e siècle, les femmes comptent peu, y compris dans la bonne société d'alors. Même cultivées, possédant certains talents, on ne les dirige que vers le mariage : “Que nous apprend-on, hélas, sur le mariage ? Qui de nous a lu, jeune fille, le texte de ces lois qui disposât à jamais de notre liberté, de notre fortune, de nos sentiments, de notre santé même, de tout notre être enfin, de ces lois faites non pour nous protéger mais contre nous, de ces lois dont la société a fait des devoirs et qui deviennent des supplices lorsque l'amour ne les impose point ?” Hypocrisie bourgeoise qui conduit à des “mariages de raison”, des unions arrangées autorisant peu de libertés aux épouses. Une situation à laquelle les femmes ne purent s'opposer que rarement.
Bien qu'il s'agisse d'un roman littéraire romantique, l'intrigue comporte des aspects assez sombres. Par exemple, le processus qui conduit la jeune et candide Diane au mariage avec M.Bernard. Le dénouement est fatalement plus proche du mélodrame que du cas criminel. Témoignant du style d'écriture de ce siècle, la narration et la construction du récit restent très agréables. Louise Colet, une auteure à redécouvrir. Ce volume réédite un deuxième roman de Louise Colet, “Une histoire de soldat”, où une femme brave tous les dangers pour suivre son bien-aimé jusque sur les champs de bataille, romantisme à l'état pur.
L'Oncle Paul a aussi chroniqué ce roman, consultez son opinion.
Zénaïde Fleuriot : Papillonne (Hachette, 1892) - Le blog de Claude LE NOCHER
http://www.action-suspense.com/2014/08/zenaide-fleuriot-papillonne-hachette-1892.html
Un autre exemple de roman de la même époque.