Ivan est un jeune flic diplômé. C'est en Seine-Saint-Denis qu'il débute dans le métier. Ses collègues sont “des types volontaires pour vadrouiller dans le 9-3 et pour affronter des situations bien scabreuses.” C'est le cas de son coéquipier Franck, pas vraiment adepte de la finesse. “Le boss les avait associés au nom de la complémentarité. Un fonceur et un cérébral. Souvent efficace mais toujours pénible.” S'il est vrai que le 9-3 est synonyme de racaille et de délinquance, grâce à l'interpellation d'un proxénète, Ivan a déniché une affaire bien différente. Un dossier ayant entraîné de longues semaines d'enquête, de la surveillance et des filatures, avec l'aval du son supérieur, le capitaine Martel. Pas le genre qui intéresse Franck, mais il est bien obligé d'y participer.
Dans leur ligne de mire, la société REDI, acronyme de Recyclage de Déchets Industriels. Leur activité semblait saine : “Une usine du coin collectait des merdes de toutes origines et les dispatchaient officiellement vers des lieux de traitement certifié. Sauf que, au lieu d'envoyer les scories dans des décharges contrôlée, l'exploitant se débarrassait des saletés n'importe où, sans se soucier de leur dangerosité.” Ce qui expliquait un service moins coûteux, donc très rentable. “Du liquide en provenance de la pétrochimie, du solide en provenance de nombreux secteurs” que les camionneurs partaient vider dans la nature, dans des décharges sauvages, pensa d'abord Ivan. Mais les filatures montrèrent qu'il s'agissait d'un réseau plus complexe. Les déchets étaient expédiés en Afrique.
Cette fois, c'est le flagrant délit qu'ils visent. Le coup de filet, qui ne touchera pas que les exécutants, mais aussi les hauts responsables. Ils vont suivre un camion suspect jusqu'à Marseille, Ivan et Franck dans une voiture, leurs collègues Paul et Serge dans une autre. Avec la puce électronique GPS planquée sous le poids-lourd, c'est moins compliqué de ne pas se rapprocher trop près. Il suffit de ne pas le perdre quand il fait des pauses-repas, lorsqu'il prend à bord un auto-stoppeur, quand il va aux putes. Les précédant à Marseille, Paul et Serge pensent avoir repéré le lieu d'embarquement des conteneurs à déchets. En arrivant dans le Sud, le bahut accélère, paraissant vouloir respecter les délais. La suite ne se passera pas comme l'ont prévu Ivan, Franck et leur supérieur…
C'est une novella, une longue nouvelle d'une cinquantaine de pages. Une fiction militante, destinée à attirer l'attention sur un sérieux sujet. À la suite de ce texte, un entretien avec Jérôme Zolma en explique l'origine. L'Europe, le mode de vie des Occidentaux, produisent une quantité astronomique de déchets que nous sommes loin de retraiter en intégralité. S'il existe des traités internationaux interdisant les trafics de ces produits dangereux pour la santé, ça n'empêche nullement des cargos-poubelles de les déverser à travers le monde dans des pays pauvres. Beaucoup d'entre nous raisonnent comme le flic Franck, pensant que ça crée une activité économique dans ces pays. C'est ignorer que la toxicité de ces déchets cause la mort de nombreuses personnes, dont des enfants.
Ces pratiques sont connues, en témoignent les articles relevés par Jérôme Zolma sur la question. Un récit fictif assez percutant, et quelque peu didactique, illustre souvent les faits avec davantage de réalisme qu'un document, fut-il précis. Peu de moyens sont mis en œuvre, finalement, pour traquer ces trafics-là, moins spectaculaires aux yeux de la population que lorsqu'il s'agit de drogue. Pourtant, ces “passeurs de déchets” sont-ils plus passifs, moins violents que ceux qui trafiquent les stupéfiants ? On connaît le talent d'auteur de Zolma, il le met ici au service d'un thème qui devrait nous mobiliser.