Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 août 2014 2 05 /08 /août /2014 04:54
Les Hautes-Vosges, du côté de Bussang.

Les Hautes-Vosges, du côté de Bussang.

Experte en informatique, la frêle Aglaé Cimonard appartient à l'équipe du commandant Pierre-Arsène Leoni, à la Brigade criminelle de Lille. Sans doute est-elle la plus discrète du groupe, qui ignore tout de sa vie. On la surnomme Fée. Victime d'un accident avec une voiture pendant son jogging, l'agente Cimonard a été hospitalisée. Elle est dans le coma. Doutant d'un simple choc accidentel, Leoni prend l'affaire au sérieux. Dans l'appartement de la victime, ordinateurs et matériel technique ont d'ailleurs disparu. Elle est mise sous protection policière à l'hôpital. Il s'avère que la jeune femme a changé d'identité. Fille métissée d'une Chinoise, elle s'appelait Feng Leveneur. Sa vie a basculé à cause d'un drame familial. Une bonne raison de tourner la page, en changeant de nom.

Pendant une récente semaine de congés, Aglaé-Feng a pris contact avec Sophie Delaunay à Wissemberg, bourgade de trois cent habitants dans les Hautes-Vosges. Une piste que Leoni va explorer avec sa compagne, la médecin légiste Éliane Ducatel. Ils louent un gîte dans la région, tandis que Mémé Angèle – la grand-mère de Leoni, qui s'occupe de sa fille Lisandra – va tenter d'aider la victime. Tous les jours, la vieille Corse se rend à l'hôpital pour veiller sur Aglaé-Feng, espérant susciter une réaction de sa part. À Wissemberg, si le couple est bien accueilli par le loueur Fredo, la population pratique une certaine omerta au sujet de Sophie Delaunay. Ou plutôt, concernant l'établissement de soins pour adolescents dépressifs, où est elle employée comme beaucoup de gens d'ici.

Peu d'infos non plus sur la disparition de Mathieu Perrin, Juliette Becquart et Lucas Simler, trois ados traités au Centre Anna-Demange. Trois semaines plus tôt, le trio s'est enfui en volant la voiture de la directrice et de l'argent. Ils étaient devenus très complices depuis leur arrivée au Centre. Alors qu'ils sont reçus par Évelyne Thouvenot, directrice de cet établissement depuis l'origine, Leoni et Éliane apprennent la mort de Sophie Delaunay. Sa chute dans le massif montagneux environnant n'est sûrement pas due au hasard. Leoni et les gendarmes intervenus sur place sympathisent, n'ayant pas de raisons d'être rivaux. À l'hôpital de Lille, Mémé Angèle repére ce qui semble être une fausse infirmière. Il faut renforcer la surveillance autour d'Aglaé-Feng, dont l'état s'améliore vaguement.

Le fondateur du Centre, c'est le médecin Élias Marchal. L'établissement porte le nom de sa défunte épouse Anna, décédée prématurément. Si Évelyne Thouvenot lui est fidèle, il n'a jamais voulu en faire son amante. Élias Marchal fut naguère l'inventeur d'un médicament sédatif aux effets secondaires dévastateurs, bien que le Zolopram n'a jamais été interdit. Aujourd'hui, avec le groupe pharmaceutique Akos dont il est un des directeurs, il lance un nouveau médicament, le Selenor. À cause d'une récente visite contrariante, menaçante pour sa réputation, Élias Marchal s'est isolé dans son chalet de Wissemberg. Il laisse au nommé Ferreira le soin de régler certains problèmes. D'autres morts violentes, passées ou à venir, risquent d'endeuiller ces décors forestiers…

Elena Piacentini : Des forêts et des âmes (Éd.Au-delà du raisonnable, 2014)

Après la belle réussite de son cinquième titre, “Le cimetière des chimères” (2013), Elena Piacentini n'avait pas le droit de décevoir son public. Elle est certainement consciente de cette exigence. Une manière de ne pas se répéter consiste à changer d'ambiances. On va donc s'éloigner de la métropole lilloise, non pas en direction de la Corse natale de Leoni, mais vers les Vosges. Dans ces paysages de vallées et de forêts, le climat serait apaisant si l'on n'y commettait aussi quelques crimes. Bien qu'elle nous décrive la réelle beauté des lieux, l'auteure ne s’appesantit pas sur de redondants clichés. Par exemple, on dessine une fois pour toutes le village ou le bâtiment du Centre de soins Anna-Demange. À noter au passage que ce nom de famille, Demange, et ses déclinaisons sont très courant dans ce département lorrain.

L'incontournable Mémé Angèle est heureusement présente, avec ses délicieux aphorismes en langue corse et sa tendresse naturelle. Soulignons le rôle actif de la médecin légiste Éliane au côté de son compagnon Leoni. Outre l'équipe de policiers, et le cas singulier d'Aglaé Cimonard, on rencontre ici des personnages possédant de vrais caractères. Tels le loueur de gîte et éleveur de canards Frédéric, et la directrice trop soumise Évelyne, ou encore le couple de gendarmes associés à l'affaire. L'écriture nuancée nous permet de capter la nature intime de ces protagonistes.

En toile de fond, c'est du bizness des médicaments (et ses faramineux profits) dont il est question. À la suite du roman, Elena Piacentini explique sa réflexion à ce sujet. Pour élargir le marché, on “crée” de nouvelles maladies ou des problèmes psychologiques pas si avérés. Si la population mondiale est visée commercialement, les enfants sont une cible prioritaire : “Votre enfant se montre agressif ? Il est hyperactif. Il est victime de sautes d'humeur ? Il est bipolaire. Il a du mal à se concentrer pour faire ses devoirs ? Il fait preuve d'un grave déficit d'attention. Les prescriptions de psychotropes s'envolent, alors que les effets à long terme de ces molécules, notamment sur le développement du cerveau, sont mal connus.” Il semble que les méfaits annexes de certains traitements n'entament pas la bonne conscience des industriels de la pharmacie, ni de quelques médecins complices. L'affaire du Mediator en a témoigné. On pourrait qualifier ces milieux de mafias, pour leurs pratiques souvent occultes, ou du moins opaques.

Avec “Des forêts et des âmes”, un suspense d'enquête aussi réussi que les précédents, Elena Piacentini confirme ses qualités de romancière. Récompensée par le Prix Calibre 47 et par le Prix Soleil Noir en 2014, c'est une auteure dont il faut lire tous les livres.

Les Hautes-Vosges, du côté de Plainfaing-Habaurupt.

Les Hautes-Vosges, du côté de Plainfaing-Habaurupt.

Partager cet article
Repost0

commentaires

S
Bonjour Pierre, je vous avais promis de revenir commenter des Forêts et des âmes, et comme j'essaie toujours de tenir mes promesses...Ma chronique est &quot;impossible&quot;, certes, mais j'avais déjà consacré deux articles à Carrières noires et au Cimetière des chimères, à lire sur mon blogue également. Au passage, bravo pour votre site, une véritable mine pour les amateurs. Et ce que vous annoncez dans votre présentation ne peut que me plaire. Je lis de plus en plus de &quot;noir&quot;, polar, bref, ce qu'on appelle &quot;littérature de genre&quot;, mais je continue de penser que cette &quot;catégorisation&quot; est obsolète: on trouve parfois du noir très serré dans la littérature blanche, et du blanc éclatant dans la &quot;noire&quot;. Et dans les deux, le meilleur et le pire. En tant que prof de Lettres, je m'attache à enseigner à mes élèves l'éclectisme et la curiosité, et j'essaie aussi de leur faire lire de la poésie &quot;accessible&quot;, parce que pour le coup, je suis indignée du traitement que les médias (blogosphère comprise), librairies et autres acteurs culturels réservent à un genre pourtant bien vivant et moderne. Pardon, j'ai été un peu bavarde, mais je me sens ici en confiance! Bien cordialement, Sophie.<br /> http://culturelles.eklablog.com/elena-piacentini-des-forets-et-des-ames-a108669086
Répondre
C
Bonjour Sophie<br /> Je n'ai aucun « secret de fabrication » qui me permette de proposer quantité de textes sur mes lectures. Juste la capacité de lire beaucoup… et d'aimer ça. Plus l'envie de faire découvrir des auteurs d'aujourd'hui et d'hier. Une astuce, peut-être : la diversité des œuvres étant infinie, en alternant à chaque fois le type d'histoire (un roman noir, un bouquin d'autrefois, un roman d'enquête, un polar historique, etc.) on ne me lasse jamais. Quant à créer le déclic, il est vrai que ça intervient tôt dans la vie. Je me souviens encore des « histoires de Nicolas et Nicolette » que me lisait autrefois ma mère. La complicité parents – enfants est indispensable, aussi pour inculquer le plaisir de lire. <br /> Ces photos perso, je les ai prises en avril, durant mes vacances dans les Vosges. J'aime et je connais cette région, où j'ai de proches ami(e)s. Encore que 850 km nous séparent, hélas. <br /> Amitiés.
S
Ah, le plaisir de lire, cher CLAUDE! Si j'en juge votre incroyable prolixité sur ce blogue, c'est chez vous une seconde nature! Comment faites-vous? Seriez-vous insomniaque? Le plaisir de la lecture est un mystère, après 25 ans de pratique professionnelle, je n'ai toujours pas trouvé la clé pour faire aimer lire...Les parents me demandent souvent des &quot;recettes&quot;, mais je crois vraiment que le déclic reste inexplicable. L'important, c'est de donner accès aux livres, dans la maison, de les emmener aussi en librairie, de temps en temps, l'air de rien, mais pour le reste...C'est un goût particulier, un penchant spécial, qui ne se décrète pas, qui ne s'impose pas.Qui est, ou pas. Je me rappelle qu'à six ans je réclamais sur la table du petit déjeuner la boîte de gâteaux où je pouvais lire les devinettes et les historiettes...Aujourd'hui encore je ne peux pas prendre mon petit-déjeuner sans le journal local sous les yeux! Une sorte de vice!!!!! Je vois les photos des Vosges que vous avez publiées: vous connaissez cette région? Bien cordialement CLAUDE (sic)
C
L'essentiel reste le plaisir de lire, chère Sophie... et de transmettre si possible un peu de notre passion à d'autres. Amitiés.
S
Oups, vraiment désolée Claude, j'avais en tête un autre des amis d'Elena, prénommé Pierre, il faut dire que je me perds un peu entre les Richard, Pierre et Claude qui hantent la secte polardeuse...(je plaisante, bien sûr). Pour le reste, nous sommes donc d'accord...et le reste n'est que littérature! Amicalement, Sophie (je ne sais plus moi-même parfois comment je m'appelle, ceci explique peut-être aussi cela) ;)
C
Bonjour Sophie<br /> Je ne vous en voudrai pas pour ce &quot;bonjour Pierre&quot; adressé à moi, Claude (qui ai la chance de figurer dans les remerciements de ce roman). De toutes façons, Pierre et moi sommes - comme vous - des admirateurs d'Elena Piacentini. Quant aux étiquettes, polar ou littérature, je ne cesserai de dire qu'elles n'ont plus vraiment de sens. Beaucoup de romans traitent aujourd'hui de thèmes sociétaux (ici l'industrie pharmaceutique), qui se rapprochent autant du roman noir que de livres plus littéraires. De même, on ne pourrait pas classer ce nouveau titre d'E.P. parmi les simples romans d'enquête. Idem pour le roman que je chronique aujourd'hui (&quot;Le village&quot; de Dan Smith) auquel il est difficile de coller une étiquette exacte. C'est très très souvent le cas, bien sûr. <br /> J'ai lu votre chronique &quot;impossible&quot;... il y en aura d'autres dans la blogosphère... en espérant que ce roman aura le maximum de lectrices et de leurs, il le mérite ! Amitiés.
Y
Salut Claude, j'en ai lu le plus grand bien ailleurs également, je ne lirai peut-être pas toute la série, mais je vais voir si je ne peux pas remonter un peu dans les enquêtes de ce flic pour arriver après à ce livre-ci<br /> Amicalement
Répondre
C
Salut Yves<br /> Tu le sais aussi bien que moi, la maîtrise de l'écriture vient avec l'expérience. Après deux premiers bons titres (&quot;Un Corse à Lille&quot; et &quot;Art brut&quot;), dès le 3e Elena Piacentini a démontré ses vraies qualités. Je peux donc recommander (dans l'ordre) &quot;Vendetta chez les Chtis&quot;, &quot;Carrières noires&quot;, &quot;Le cimetière des chimères&quot; et &quot;Des forêts et des âmes&quot;. Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> ( N'hésitez pas à supprimer mon commentaire si vous trouvez qu'il s'écarte trop, je ne le prendrai pas mal. )<br /> <br /> C'est hors-sujet.<br /> Vous savez que je ne suis pas du genre à chercher à embrigader les gens, ni vous ni personne d'autre, dans des causes ou partis ou à faire de prosélytisme.<br /> Mais il se trouve que je reçois à titre habituel la lettre de change.org qui permet à des personnes ( privées, des gens comme vous ou moi ) de proposer de signer des pétitions sur des sujets et dans des domaines divers.<br /> Moi-même je ne signe pas toujours, je vois au cas par cas.<br /> Mais donc en voyant ce matin la pétition suivante j'ai pensé pouvoir au moins la porter à votre connaissance. Je ne vous dis pas de la signer ou de ne pas la signer, mais voyez le sujet.<br /> <br /> https://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/rff-bretagne-pays-de-la-loire-aidons-la-famille-evanno-%C3%A0-se-faire-exproprier?utm_source=action_alert&amp;utm_medium=email&amp;utm_campaign=113190&amp;alert_id=BbfUJvzbwS_SwhUphTe3FZWR4mDhZLvW6B9cgCsiAEmvn1rpgKB8cg%3D<br /> <br /> Cordialement
Répondre
C
Bonjour Philippe<br /> Je suis de tout cœur avec cette famille, déjà touchée par la maladie, qui semble effectivement victime d'une erreur d'appréciation administrative. J'espère qu'un recours leur permettra de sortir de cette situation. <br /> Toutefois, je ne signe jamais de pétition. <br /> Amitiés.
P
Salut Claude, ce sera une de mes prochaines lectures sur le sable ! Amitiés
Répondre
C
Je suis convaincu que tu vas dévorer, mon cher Pierre !<br /> Amitiés.

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/