Vlad est SDF à Moscou. “Le nombre de sans-abris en Russie est compris entre 150.000 et 350.000, selon le Ministère de l'Intérieur, mais des experts estiment qu'ils sont de 1,5 à 4,2 millions sur une population totale de 141,2 millions d'habitants.” Il est aujourd'hui âgé de quarante-deux ans. Dans la froidure hivernale moscovite, Vlad squatte avec un ami de la rue, Alex. Il a même récemment retrouvé un bon copain d'autrefois, Ponche. Celui-ci a monté une entreprise, mais il a fait faillite. Parce que, même si personne ne s'en soucie, tous les sans-abris ont une histoire.
Le parcours personnel de Vlad débuta à Lioubertsy, une ville plutôt pauvre de la grande agglomération de Moscou, à vingt kilomètres du centre. En 1980, âgé de huit ans, Vlad vit à Lioubertsy avec son père Mikhaïl, sa mère d'origine française Anne, et son frère Nikolaï. C'est une famille où l'on s'accommode des rigueurs de l'Union Soviétique, où l'on écoute un peu de chansons étrangères, où l'on discute du présent et de l'avenir. Écolier rêveur assez solitaire, Vlad aime ses parents et son frère. Il peut compter sur la solide main de son père, sur sa rassurante présence.
À l'âge de douze, c'est à la gare de Lioubertsy que Vlad perd brutalement ce père, capital pour lui. “Vlad s'est enfermé dans d'autres mondes, des mondes de solitude : les jeux vidéos, la lecture, la réflexion intérieure l'écriture... À l'école, les choses ne se passent pas trop bien non plus : Vlad se recroqueville sur lui-même, s'adresse peu à ses camarades, ne joue pas pendant la récréation...” Il est bientôt envoyé dans un internat pour cinq ans, tandis que sa mère Anne se débrouille comme elle peut, occupant un emploi de caissière dans un magasin. Tant qu'on veut bien d'elle.
Dans la vie de Vlad, il y eut aussi le mariage de son frère Nikolaï avec Milena. Évènement heureux pourtant assorti d'un drame. Puis Vlad devint bibliothécaire, un petit poste qui convenait à cet amoureux des livres. Mais cela ne dura pas, même s'il n'y était pour rien. Alors, Vlad finit par choisir la rue, comme tellement d'autres qui se sont heurtés à tant de murs, qui ont traversé trop de drames. Il a sympathisé avec le sans-abri Alex. Son ancien ami Ponche l'a rejoint. Il est tombé amoureux de la jeune rebelle Varya. Il fréquente les cybercafés. Et risque sa vie, dans cette ville impitoyable…
Il y a mille manières de raconter une histoire. Quelques pages suffisent pour une nouvelle, ou il en faut quelques centaines pour écrire un pavé. La longueur d'un texte n'a jamais été un critère. Avec ce roman court, Antoine Léger nous dessine le portrait d'un homme. Qu'il soit “sans-abri” et Russe, c'est un fait. Pourtant il aurait pu avoir le même destin dans un autre pays, ou une autre vie moins marquée par la mort dans le sien. En réalité, Vlad est un personnage universel. Pas de ceux que les imbéciles bourrés de certitudes traiteraient de “perdant”, de “loser”. Non, c'est la profonde sensibilité que l'on sent en lui qui octroie à Vlad cette universalité. Les gens fragiles ont aussi leur place dans la société.
Il est à noter que la narration n'est pas linéaire, loin s'en faut. Car ce sont des images du passé – les échecs ou les dures expériences – qui construisent le parcours de chacun. Et puis, intervient une deuxième voix, qui détermine l'étape actuelle de Vlad. Ce qui apporte la preuve qu'un court roman, bien écrit, peut aussi posséder une densité.
Ce livre est préfacé par Claude Mesplède, expert en littératures policières.
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