Tous les truands de la planète ont imaginé de réaliser un jour le casse parfait. Emporter le pactole grâce à une opération magistrale, et ne jamais se faire prendre. Un rêve utopique, parfois partagé par des citoyens ordinaires, sans doute. Mais ils sont bien rares, quasi-inexistants, ces braquages qui rendent les malfaiteurs riches comme Crésus.
Pourtant, il y en eut de très audacieux. L'équipe qui prépara le vol des tableaux de l'exposition Picasso à Avignon, en 1976, fut capable de maîtriser les gardiens. Il durent un peu cogner, mais les 119 toiles de Picasso transitèrent bientôt jusqu'à la planque prévue. La suite s'avéra plus délicate, les négociations avec l'assureur Lloyd's ayant échoué. S'adresser à des pros du banditisme pour écouler les tableaux était hasardeux. En Suisse, s'attaquer à la fonderie d'or Metalor en janvier 2004 semblait jouable pour Gérald, Max et leurs complices. Sauf qu'ils ne pouvaient qu'être les premiers suspects. Et eux aussi, ils eurent la mauvaise idée de s'adresser à des mafieux corses pour écouler le butin.
À l'automne 2009, le plus célèbre nom de France fut certainement celui de Tony Musulin. Ce convoyeur de fonds venait de disparaître avec plus de onze millions d'Euros. Somme qu'il rangea sans tarder dans un box qu'il avait loué, heureux d'avoir été plus fort que son employeur, la société Loomis. Le grand public s'amusa beaucoup de cette affaire, réalisée sans violence au détriment de l'institution bancaire. Malgré tout, Musulin finit en prison, sans qu'on ait retrouvé la totalité du butin. En Espagne, l'affaire El Dioni fut similaire : un transporteur de fonds s'envola avec son camion chargé de billets. Ce fut au Brésil qu'il dilapida une partie du fric volé, avant d'être arrêté. Son procès fit de lui une véritable star en Espagne dans les années 1990, notoriété dont il profita pendant quelque temps.
Le banditisme s'aventura parfois aux frontières de la politique. En juin 1971, le braquage de la poste centrale de Strasbourg fut rapidement mené, telle une opération militaire. Huit malfaiteurs aguerris, probablement les mêmes ayant réalisé des hold-up dans l'Ain, la Loire et l'Isère ces derniers temps. Un “Gang des Lyonnais”, dont le gitan Edmond Vidal était un des chefs. Mais la bande incluait aussi d'anciens baroudeurs d'Algérie ainsi que des militants gaullistes du SAC. C'est un magistrat expérimenté qui s'occupe du dossier, le juge Renaud. Sans doute n'est-il pas loin de prouver les connexions entre truands et SAC, lorsqu'il est assassiné en juillet 1975. On se souvient que ce dramatique épisode fut bien gênant pour les autorités politiques de l'époque.
En 1986, c'est à Saint-Nazaire que se déroula un braquage spectaculaire. Des employés de la Banque de France, à commencer par le caissier et sa famille habitant au-dessus des locaux, furent pris en otage. Quatre-vingt-huit millions de Francs (treize millions d'Euros) disparaissent dans les trois véhicules des voleurs. Quelques jours après, les bandits ne se privent pas de ridiculiser publiquement Charles Pasqua et Robert Pandraud, politiciens qui se voulaient des champions de la lutte contre l'insécurité. Les policiers rapprochent cette affaire d'un récent cas comparable à Niort. Ils finissent par mettre au jour un réseau, où se côtoient de vrais truands et des activistes italiens d'extrême-gauche.
Parmi les casses “historiques”, l'affaire des bijoux de la Begum (datant de 1949) a laissé moins de souvenirs aux générations actuelles que le braquage du train Glasgow-Londres en 1962, qui reste le plus classique de tous. Y compris à cause du jeu du chat et de la souris qui s'ensuivit, entre Scotland Yard et les voleurs, dont le fameux Ronald Biggs. Autre histoire ferroviaire : en juillet 1944, des maquisards s'attaquent au train reliant Périgueux à Bordeaux. Afin de financer leurs actions, ils dérobent l'équivalent de quarante-deux milliards d'Euros, appartenant à la Banque de France. Non sans diverses complicités. Une part à servi à la Résistance, mais l'essentiel a pu enrichir des personnes ayant “oublié” de rendre les sacs de billets, ou certaines causes politiques.
Rocambolesque cambriolage via les égouts et le Paillon, mais aussi spectaculaire évasion du principal suspect : l'affaire du casse de Nice, en 1976, et le nom d'Albert Spaggiari ont évidemment marqué les esprits. À l'opposé, un cas sûrement ignoré chez nous : au Japon, en 1948, un faux médecin empoisonne le personnel d'une banque, et rafle une belle somme en espèces. Rapidement, un artiste-peintre est suspecté. Malgré des failles à son procès, l'homme est condamné à mort. Il ne décédera qu'en 1985, à l'âge de quatre-vingt-quinze ans, car le doute restait vif sur sa culpabilité.
De Boston à Fortaleza (Brésil) en passant par Belfast ou Milan en 1958, des braquages visant les diamantaires d'Anvers jusqu'à la cybercriminalité, ce sont vingt-six affaires qui sont évoquées ici. Un panel d'histoires allant du quasi-amateurisme au grand banditisme. À travers le vingtième siècle, mais avec également quelques dossiers très récents, pas tous résolus (tel le Carlton de Cannes, braqué en juillet 2013). Un livre passionnant.
Ma chronique sur le précédent titre de Patrick Caujolle