L'inspecteur Giuseppe Lojacono est Sicilien d'origine. Voilà environ un an qu'il a été muté au commissariat San Gaetano, à Naples. Une sanction qu'il doit à la calomnie d'un mafieux l'ayant accusé de complicité. Son épouse et leur fille Marinella ont dû être mises à l'abri dans l'Île. À cause de sa femme, Lojacono n'a actuellement plus de contact téléphonique avec Marinella. Il végète au bureau des plaintes, avec le brigadier Giuffrè, écarté de toutes les enquêtes. Qu'on ironise en le surnommant Montalbano l'agace prodigieusement. Le soir, il dîne à la trattoria de Letizia. Elle n'est pas insensible au charme de ce quadragénaire aux yeux bridés, qui lui donnent l'air d'un Chinois.
Cette nuit-là, Lojacono est de service quand un jeune de seize ans est abattu dans la cour de son immeuble. Fils unique d'une infirmière de milieu modeste, Mirko Lorusso faisait un peu de trafic de drogue auprès d'ados de son âge, pour le compte du petit caïd Antonio. Ce jeune à scooter n'était pas sérieusement un délinquant. Sur place, Lojacono remarque la douille du projectile qui a tué Mirko, ainsi qu'un mouchoir en papier humide. C'est la substitut du procureur Laura Piras qui est chargée de l'affaire. Lojacono est vite écarté de l'enquête par son supérieur. Letizia connaît la mère de Mirko, et estime qu'il s'agit d'une famille honnête. Lojacono ne croit pas que la Camorra soit impliquée dans ce cas.
Âgée de quatorze ans, Giada de Matteis appartient à un milieu aisé. C'est en rentrant chez elle après son cours de violon, en début de nuit, qu'elle est abattue. La méthode étant similaire, il ne peut s'agir que du même assassin. Les médias se sont déjà emparés de cette affaire, donnant un surnom au tueur : le Crocodile. À cause des mouchoirs humides de larmes. Pour Lojacono, c'est surtout quelqu'un de très bien préparé, utilisant la même méthode de chasse que les crocodiles. Si le policier assiste aux obsèques de Giada, il est toujours exclu de l'enquête, tandis que Laura Piras met la pression sur Di Vincenzo, son supérieur. Le brigadier Giuffrè est convaincu que Locajono serait plus compétent.
Donato Rinaldi est un étudiant de vingt-trois ans, fils d'un médecin réputé qui a beaucoup d'influence sur lui. Pas question de rater ses examens pour une amourette. Néanmoins, ce soir-là il est sur le point de sortir, quand le Crocodile l'abat dans le garage de la maison. Le père ne le découvrira qu'au matin. Comme Lojacono, Laura Piras ne croit pas dans la piste mafieuse. La substitut finit par associer l'inspecteur sicilien à l'enquête officielle.
Lojacono a noté que les trois jeunes victimes étaient des enfants uniques élevés par un seul parent. Pendant ce temps, dans sa chambre d'hôtel, un vieux monsieur – quasiment anonyme dans cette ville grouillante de vie – continue à écrire une sorte de longue lettre racontant son périple meurtrier napolitain. Son ultime cible pourrait être la petite Stella...
Maurizio de Giovanni s'est fait connaître en France avec sa série publiée chez Rivages/Noir, ayant pour héros le commissaire Ricciardi. Ici, il s'agit des enquêtes à Naples d'un second policier, Giuseppe Lojacono (gentiment appelé Peppuccio, par la restauratrice Letizia). Étant Sicilien, ses collègues se moquent en le nommant Montalbano, personnage créé par Andrea Camilleri. De la part de l'auteur, un hommage au Maître, à n'en pas douter. Il a été victime d'une dénonciation calomnieuse, mais ce qui le perturbe principalement, c'est de ne plus avoir de contact avec sa fille. Il en cauchemarde, d'autant que l'affaire criminelle en cours concerne également des jeunes des mêmes âges que Marinella.
Le fait qu'il soit en position de faiblesse, confiné dans un bureau, inutile au service, en proie à des états d'âme, rend évidemment sympathique ce policier. La magistrate Laura Piras, qui s'implique dans son métier suite à une déception sentimentale, est aussi plutôt attachante malgré sa dure carapace de pro. Par ailleurs, on suit la rédaction de la lettre du vieux monsieur, clé essentielle de ces crimes. Même si l'on ne connaît pas Naples, l'auteur nous situe les quartiers en fonction des classes sociales qui y résident. La Camorra ne peut pas être totalement absente d'une histoire se déroulant dans cette ville, bien sûr. Sans doute bien servie par la traduction, la fluidité narrative de Maurizio de Giovanni est un régal. En effet, les courtes scènes très vivantes s'enchaînent avec harmonie. Un polar authentique, de fort belle qualité.
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