En 1954, Marseille reste la capitale des truands, des trafics et des règlements de comptes dans le Milieu. Jacques Gipar est le reporter le plus actif du journal France-Enquêtes dirigé par Pierre Garry. Accompagné de son adjoint Petit-Breton, le journaliste compte enquêter sur place, au sujet des derniers meurtres marseillais. Odette, la petite-amie de Gipar, va les rejoindre sans tarder par le train. Alors qu'ils arrivent dans la région d'Aix-en-Provence, avec leur Simca Aronde bleu ciel, Gipar et Petit-Breton prennent deux hommes en auto-stop. Ils se prénomment Giorgio et Fernand. Très vite, la voiture du journaliste est prise en chasse par une Ford Vedette noire. Ils parviennent à se dégager, trouvant refuge à l'hôtel-bar Le Mistralou, dans la campagne provençale.
Giorgio et Fernand admettent que c'est après eux qu'en avait la Vedette noire. Ils sont impliqués dans le trafic de cigarettes américaines, florissant à cette époque. Beaucoup de lots en provenance de Tanger (Maroc) sont débarqués la nuit dans les calanques proches de Marseille. Puis ce tabac est vendu à la sauvette, ou transporté frauduleusement à Paris. Environ deux ans plus tôt, le cargo Pirius fut arraisonné par des pirates et délesté de sa cargaison de cigarettes. Une affaire qui a laissé des traces dans le Milieu. Gipar se rend à Marseille, où il dépose Petit-Breton afin qu'il se renseigne. Le correspondant local de France-Enquêtes n'a nullement envie de se mouiller. Ayant réceptionné Odette à la gare, Gipar retrouve sa Simca Aronde avec les quatre pneus crevés et les vitres brisées.
Aucun garagiste marseillais n'a accepté de dépanner le reporter, mais il en trouve un en-dehors de la ville. Alors qu'il cherche à exfiltrer Giorgio et Fernand, Gipar est de nouveau pourchassé par la Ford noire. Il prend bientôt contact avec le commissaire Bornichard, qu'il connaît déjà. Celui-ci lui révèle que Giorgio et Fernand sont plus dangereux qu'il n'y paraît. De retour avec Petit-Breton à l'hôtel Le Mistralou, Gipar comprend que sa petite-amie a été enlevée par les truands en Vedette noire. Le ravisseur donne rendez-vous à Gipar, le soir-même à dix heures, du côté de Notre-Dame-de-la-Garde. Le reporter n'a pas d'autre choix que d'y aller...
Cette bande-dessinée constitue le cinquième tome des aventures de Jacques Gipar, après “Le gang des pinardiers”, “Le retour des capucins”, “Une 2CV pour Luciano”, et “La femme du notaire”. Il s'agit de BD au graphisme traditionnel, dont les effets sont très soignés. L'automobile étant la thématique de cette collection Calandre, le dessin met en valeur les courses-poursuites et tous les véhicules que l'on pouvait voir à cette époque. Outre la Simca de Gipar, on croise une Traction Citroën 15CV, des camions Bernard ou Berliet, une Coccinelle (belge), un fourgon de police Saviem, une 4CV Renault et d'autres voitures. C'est la Ford Vedette des années 1950 qui est privilégiée dans cet épisode mouvementé. Sans doute a-t-on oublié que cette voiture fut produite en France, après la guerre.
Comme dans chaque tome de cette série, nous voilà plongés au cœur d'une intrigue pleine de péripéties. Les décors s'y prêtent, Marseille étant depuis toujours la ville du grand banditisme, du crime organisé, de multiples trafics. Les auteurs ont bien raison d'éviter la fausse bonhomie provençale. Y compris dans une scène s'inspirant de “la partie de cartes” de Marius. Et le “garage Gaudin” n'est pas plus secourable que les autres... Bien sûr, une histoire située dans la France d'il y a soixante ans ne peut qu'inspirer la nostalgie. Les images raviveront des souvenirs, pour les lecteurs un peu moins jeunes.
Il s'agit bien d'une BD complète, avec son dénouement, mais une fin ouverte. L'éditeur annonce qu'elle sera suivie en 2015 par “La Station du Clair de lune”, nouvelles aventures de Jacques Gipar dans le monde des trafiquants de cigarettes. Une bande-dessinée dans la grande tradition, c'est toujours fort sympa.