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18 avril 2014 5 18 /04 /avril /2014 04:55

Quand on est un lecteur intensif, lisant jusqu'à trois livres par semaine, il peut arriver que l'on se trompe. Pas tant sur la qualité d'un roman. En général, on sent très rapidement ce qui fait la force d'un texte, son originalité ou bien sa solidité. Et puis, les vraies daubes sont heureusement fort rares. Par contre, c'est sur l'auteur lui-même qu'on s'illusionne quelque peu, parfois. On se dit qu'il possède un beau potentiel, voire déjà une maturité d'écriture, qu'il sera en mesure d'exploiter dans ses futurs romans. Hélas, soit parce qu'il tient à garder un certain dilettantisme amateur, soit parce qu'il n'est pas en mesure de poursuivre – faute d'inspiration ou de méthode, l'auteur déçoit. Le lecteur intensif s'en veut, de temps à autre, de lui avoir accordé sa confiance.

C'est l'inverse qui s'est produit avec l'excellent Janis Otsiemi. Dès ses débuts, cet auteur gabonais affichait non seulement un grand potentiel, mais une réelle volonté de continuer. Janis a voulu parler du Gabon, à travers le polar. C'est un genre apprécié dans son pays, où il est souvent compliqué pour la population de se procurer des romans. L'éditeur Jimmy Gallier a vite compris les ressources de cet auteur, n'hésitant pas à le soutenir en publiant “La vie est un sale boulot”, “La bouche qui mange ne parle pas”, puis “Le chasseur de lucioles” avant “African Tabloïd”. Les médias nationaux ont fini par découvrir à leur tour le talent de Janis. Sa créativité linguistique, car le langage fleuri ne manque pas d'attrait, mais aussi les qualités de ses intrigues gabonaises.

Être publié en poche, c'est une nouvelle consécration méritée pour Janis Otsiemi. D'autant que ce polar est encore plus corsé que les précédents. Croisant plusieurs niveaux d’intrigues, il gagne en densité. Les portraits sont affinés, eux aussi. On différencie par exemple un truand sans règles, et ses complices agissant par besoin financier. Côté flics, même présentation nuancée. Tout cela permet à l’auteur de nous raconter en finesse le contexte criminel de son pays. Et de souligner que Libreville est très cosmopolite, avec des gens venus de divers pays africains.

Outre l’aspect purement policier, en témoigne la question du SIDA, c’est un roman comportant une bonne part de chronique sociale. Et puis, il y a toujours ce délicieux langage (un deuxième-bureau, c'est la femme clandestine d'un mari; la rompée, c'est la fin de la journée de travail; partager la bouche d’un autre, c’est être du même avis; le bouya-bouya, ce sont les embrouilles). Ce qui ajoute une belle authenticité à l’histoire, bien sûr. Chaque chapitre est même assorti de proverbes locaux. Janis Otisemi nous offre ici un sacré voyage à Libreville !

Janis Otsiemi : Le chasseur de lucioles (Pocket, 2014)

Dans la capitale gabonaise, il y a des flics consciencieux tels Boukinda et Evame, de la Direction Générale des Recherches. Et d’autres comme Koumba et Owoula, toujours prêts à accepter un bakchich pour fermer les yeux, qui fréquentent assidûment les bordels locaux. Joseph Obiang ne devait pas être un flic tellement honnête non plus, lui qui fut mêlé à la disparition d’armes à feu. On a trouvé son cadavre sur la plage du Tropicana. Boukinda et son collègue enquêtent, tout en sachant qu’ils ont peu de chance d’attraper celui qui a abattu ce Obiang.

À Libreville, il y a toutes sortes de bandes, souvent des malfrats d’occasion. C’est le cas de Marco, qui ne gagne guère sa vie en balayant les rues. Quand Bosco lui propose un braquage, avec le garagiste Tom pour complice, Marco hésite car c’est un coup préparé par Sisco. C’est un caïd douteux, que l’on surnomme Lucky Luke, l’homme qui se tire avec le pognon plus vite que son ombre. Et Sisco a été mêlé à de sales affaires, où il y a eu des morts. D’ailleurs, il se garde bien de dire d’où viennent les armes à feu qui serviront au braquage. Marco et ses amis se laissent tenter. Ils peuvent penser qu’ils ont eu raison, car il n’y a pas eu de victimes et le butin se chiffre en millions. L’opération agite quand même les polices de la ville, alors il est préférable qu’ils restent très prudents.

Des prostituées ont été martyrisées et tuées dans des chambres miteuses au motel Le Labyrinthe ou au motel La Semence. Même s’il garde un œil sur le spectaculaire braquage, c’est une enquête pour le flic véreux Koumba. Une bonne occasion de faire raquer les responsables de motels, afin de leur éviter des poursuites. De leur côté, Boukinda et Evame font bientôt le lien entre le meurtre de Obiang et le braquage fructueux. Grâce à leur ami journaliste Gaspard Mondjo, aussi bien informé que la police, ils sont sur les traces de Sisco. Au sein de la bande, la tension monte vite entre Sisco et Marco...

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commentaires

Y
Bonjour Claude, en voilà une bonne nouvelle que de le voir édité en poche, je n'ai lu qu'un seul de Janis Otsiemi que j'avais beaucoup aimé<br /> Amicalement
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C
Salut Yves<br /> Paraître en poche, c'est accéder à un autre public, plus large et moins &quot;orienté pur polar&quot;, je crois. C'est donc une excellente nouvelle pour Janis Otsiemi qui (à mon avis) possède un vrai talent. Amitiés.
P
Cher Claude, tu as bien raison de mettre en valeur Janis. C'est grace à toi que je l'ai découvert et depuis, je suis fan aussi. Alors, merci Janis, merci Claude et vive le polar dans toute sa diversité. Amitiés
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C
&quot;Diversité&quot;, notre maître-mot, mon cher Pierre !<br /> Amitiés.
J
Merci Janis, j'avais peur que tu ne puisses te le procurer, surtout que tu y joues un personnage fort sympathique. oui André Héléna que je connaissais bien avant d'être édité, ma mère est de Narbonne et Leucate on connait, le ADG de la nuit des grands chien malades, mais aussi les trois badours, la bande d'Orléans et le grand SA, dont je cherche la série Kaput ou l'Ange noir depuis des années. Je viens de relire ses tous premier en &quot;Bouquins&quot; un pur délice, on en a des points communs, je sors aussi chez Pocket le Cramé en juin, grace à Jimmy, encore, mais bon, ce cher Claude va se sentir exclu, mais non, tu tiens bien un blog de polar, un des meilleurs ( par ta culture et ton ouverture), on va essayer de continuer à écrire avec Janis, rien que pour toi. Amitié à vous deux
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C
Mon cher JOB, lire des polars et découvrir (voire soutenir) des nouveaux auteurs, c'est un bonheur. Car je sais que les plus enthousiastes d'entre vous vont poursuivre (d'où l'intro de cet article) et persévérer sur le chemin du noir polar. Moi (et d'autres), nous essayons d'être votre vitrine. Et bravo aussi à Jimmy ! Amitiés.
G
J'ai bien cru en lisant ton introduction que tu allais nous dire que finalement, ça ne valait pas le coup de s'arrêter sur cet auteur. Heureusement que j'ai lu l'intégralité du texte avec attention!! Sans quoi je l'aurais peut-être rayé de ma longue liste d’auteurs à découvrir!
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C
Eh eh, ma chère Gridou, il m'arrive de faire dans le nuancé ! L'idée m'avait effleuré, à une époque, que Janis Otsiemi aurait du mal à s'imposer. Qu'il renoncerait peut-être, faute de relais en France. D'où cette intro. Heureusement, Jigal l'a soutenu. C'est effectivement un auteur à découvrir. Amitiés.
J
Moi aussi, et pour l'instant, même si l'écriture, le fond des histoires a évolué, je reste profondément marqué par son premier, une vraie petite histoire de gangster à deux balles, mais avec la violence, les trahisons, les sodas fluos dans les snack en tôle où tournent les ventilateurs, hachant l'air tiède, et les maillots de corps qui collent à la peau. Je le suis, comme toi, je le lâche pas, ça dépasse l'Afrique, ça touche vraiment au roman noir français (sic) des grandes années ;-)
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C
Un bon auteur est, sans doute avant tout, un lecteur. Les influences, il ne faut jamais les renier, mais les revendiquer comme vous le faites, Janis et Jacques-Olivier Bosco. Amitiés à tous les deux.
J
mon cher JOB, Je crois qu'on a bien des points communs, cette petite nostalgie des polars des années 50 à la source de laquelle j'ai été nourri. J'ai jamais caché mes influences dans le polar : ADG, André Helena, San Antonio... forcément des auteurs qui te parlent mon cher JOB ! ça cogne fort dans ton dernier bouquin...
C
Eh oui, JOB, les ambiances, y a que ça de vrai ! Et l'ami Janis s'y entend pour nous décrire (sans jeu de mot malvenu) la noirceur des bas-fonds gabonais. Un sacré talent, aucun doute. Amitiés.
J
J'avais adoré ce roman et ( sans chauvinisme : - ) je trouvais vraiment très belle la couverture originale de chez Jigal. Je crois que c'est dans celui là où il y cette scène dans une baraque où les mecs fument comme des fous. Et puis il y à ce côté bande de truand avec leur propre langage comme dans les bouquins de Simonin.
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C
Salut Janis<br /> Je n'ai qu'un souhait à exprimer : continue à écrire ! Tu possèdes un vrai talent, je ne cesserai jamais de le répéter. Amitiés.
J
Merci Claude pour cette chronique. Tu as été l'un des premiers chroniqueurs à me donner ma chance. Et chaque jour, j'essaie de donner le meilleur de moi-même pour ne pas decevoir ceux qui me soutiennent. La sortie de ce roman chez Pocket est très importante pour moi. Quand j'ai commencé à écrire des polars à la sauce africaine, j'étais loin de m'imaginer qu'ils trouveraient un lectorat. Et ça c'est grâce à des personnes comme toi. Mes amitiés. L'aventure continue, toujours avec Jimmy Gallier des Editions Jigal.
C
Salut JOB<br /> Oui, il y avait une très jolie black en couv' chez Jigal. Je pense que Pocket a choisi une image &quot;universelle&quot;, avec ce grand fleuve et la petite chaloupe. Un roman contenant plusieurs scènes marquantes, en effet. Pour moi qui suis Janis depuis ses débuts, très content de cette version poche qui peut élargir son public. Amitiés.

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