Âgé de trente-six ans vers 1957, Paul Dutraz a longtemps occupé un poste colonial en Oubangui-Chari (République Centre-Africaine). Souffrant de problèmes de foie, ce rentier encore jeune revient s'installer en France. Il a acheté une maison en Sologne, à un certain Blanchin, récemment veuf. Un indice permet à Paul de penser que la mort de l'épouse en question n'était pas naturelle. Mais, s'il y a eu crime, ce n'est pas son affaire. Paul se sent bientôt seul dans cette propriété de Ronchieu. Puisqu'il a dans l'idée de se marier, il passe une petite annonce. Anne-Marie Grisard, dite Mina, lui apparaît comme la compagne qui pourrait lui convenir. À quarante-deux ans, dotée de cheveux gris, cette femme mûre ne manque pas d'attraits. Leur union étant célébrée, Mina se montre sexuellement ardente.
Que son épouse ait un fils de vingt-trois ans, étudiant aux Beaux-Arts, ça ne dérangeait pas Paul. À cause d'une entorse, ce peintre médiocre qu'est Dominique rejoint la maison du couple. Mina s'avère maintenant moins passionnée de sexe. Peut-être aussi parce qu'elle doit surveiller sa santé. Elle avoue tardivement à Paul qu'elle souffre d'une maladie de cœur. D'ailleurs, le couple va faire les démarches nécessaires pour une assurance-vie en faveur de Paul et régler les éventuelles questions d'héritage. La présence de Dominique reste pesante pour le couple. Paul va s'apercevoir que le jeune homme n'est nullement blessé, qu'il s'agissait d'un prétexte pour rester près de sa mère. Paul réalise également que Mina porte des lunettes factices et se teint les cheveux en gris.
Il peut suspecter son épouse, mais sans comprendre ses motivations : “Mina se serait rendue coupable de quoi ? De s'être vieillie... Cette accusation aurait fait rire n'importe qui ! N'importe qui, sauf moi.” Il est vrai que son médicament pour le cœur n'a pas d'odeur, car c'est tout simplement de l'eau. Quand il enregistre Mina et Dominique sur son magnétophone, Paul se convainc que ce sont des assassins. Il simule un départ inopiné pour l'Oubangui-Chari, ce qui lui donne du temps pour enquêter sur Mina et son complice. La piste va mener Paul de Rouen à Cannes, puis à Marseille. C'est là que l'ex-propriétaire de sa maison, Blanchin vit avec sa seconde épouse. À son retour à Paris, Paul va devoir mettre les choses au clair...
Ce roman de 1957 fut adapté par l'auteur au cinéma, sous le titre “Les menteurs”. Le film d'Edmond T.Gréville, sorti en octobre 1961, était interprété par Jean Servais (Paul), Dawn Adams (Mina), Claude Brasseur (Dominique), Francis Blanche (Blanchin), Anne-Marie Bellini, Roland Lesaffre, Anne-Marie Coffinet, et Claude Chabrol dans un petit rôle. En 1963, l'ultime film d'Edmond T.Gréville sera aussi adapté d'un roman de Frédéric Dard, “L'accident”. Le cinéaste décédera dans un accident de voiture en mai 1966, ironie du destin. Il est coutumier, et sans doute facile, de dire que ces productions ont “mal vieilli”. Dû à un réalisateur assez inspiré, interprété par des acteurs compétents, ce film suggère un certain érotisme, et l'ambiance restitue un suspense plutôt tendu.
Quant au roman, il n'est pas indispensable de rappeler la belle qualité des intrigues noires imaginées par Frédéric Dard. Celui-ci n'avait aucun besoin de rendre trop complexes ses sujets. Un trio de personnages principaux, des questions d'argent, et déjà on se doute que la situation va mal tourner. Par contre, il est important de souligner le soin apporté aux portraits. Même ceux esquissés en quelques mots, comme celui de la voisine aubergiste Valentine. Pourquoi Paul choisit-il la mûre Mina ? En peu de ligne, c'est expliqué : “D'une part, une jeune femme m'aurait donné des enfants... Et puis, il y avait pire : j'aurais pu en tomber amoureux. Ce qu'il me fallait, c'était plus une compagne qu'une épouse, une femme entre deux âges, calme, raisonnable, avec qui je ferais chambre à part.”
La souplesse du récit n'empêche pas un contexte criminel. Mais ça permet, par exemple, de montrer comment obtenir aisément une info : “Ç'aurait été ailleurs que dans le Midi, il est probable qu'on ne m'aurait pas fourni de renseignements par téléphone, mais là-bas les gens sont confiants. Je suis tombé sur une femme dont l'accent évoquait l'ail.” En outre, la construction de l'intrigue n'est pas si basique. On le voit avec le cas de Blanchin, qui a vendu sa maison à Paul... Si Frédéric Dard s'est imposé comme un des grands de la Littérature populaire, ça ne doit rien au hasard : il maîtrisait parfaitement chacun de ses romans. C'est évidemment vrai pour “Cette mort dont tu parlais”.
commenter cet article …