Le commissaire Amédée Mallock est en villégiature dans sa propriété du côté d'Andernos-les-Bains, sur le Bassin d'Arcachon. C'est un policier expérimenté, un brin misanthrope, inspiré par des détails insignifiants pour d'autres enquêteurs. En ce caniculaire mois de juillet, une affaire criminelle va le sortir de sa torpeur. Originaire de la région, son collègue et ami Gilles Guédrout est maintenant commissaire à Bordeaux. Un meurtre vient d'être commis dans un château viticole des environs. Jean de Renom semble avoir été abattu par son épouse Camille. On n'a pas encore trouvé l'arme du crime. Jeunes parents, ce couple de trentenaires apparaissait pourtant uni. La mère de Camille n'est autre que la députée Sophie Corneille, probable prétendante aux futures élections présidentielles. Hospitalisée, la coupable supposée dit ne pas se souvenir de son acte. Devant le corps de Jean de Renom à la morgue, Mallock reconstitue la scène d'assassinat telle qu'il peut la concevoir.
Les familles de Renom et Corneille s'entremêlent de longue date. D'abord, des questions commerciales autour du vignoble les ont rapprochées. Les premières vignes remontent à 1323, quand le vicomte Pancrace d'Armuth développa les cépages, malgré les troubles de la Guerre de Cent Ans. Si les amateurs apprécient la production du château, on n'a jamais produit un vin très supérieur ici. Ça semble dû aux malédictions pesant sur la propriété. Un des derniers cas concerne le meurtre du père de l'actuelle députée, une quarantaine d'années plus tôt. La justice condamna l'amant de l'épouse, le chevalier Charles d'Assas, oublié en prison depuis tout ce temps. Le commissaire contacte à ce sujet son équipe parisienne, baptisée “Fort Mallock”, tandis qu'il rencontre d'Assas en prison. “Pour lui, ce fut à cet instant que commença vraiment l'affaire Corneille. Elle le mènerait bien plus loin, et en des temps bien plus anciens et sanglants, qu'il ne l'aurait imaginé.”
L'arme du crime ayant été retrouvée cachée dans un coffre-fort de sa chambre, Camille de Renom est en état d'arrestation. L'ADN permettrait de savoir s'il existe un lien familial entre le défunt Jean de Renom et Charles d'Assas. Mallock recherche des infos sur la fameuse malédiction du templier Gil Gælian du Gar touchant ce terroir depuis les années 1330. À quoi correspond réellement le chiffre de sept victimes, lié à cette légende et à ses suites ? Alors que Félicien, le maître des vignes, continue à s'occuper du cépage, Mallock et le juge d'instruction Max Balestra entament la partie sensible de l'enquête. Surnommée “la Grande Sophie”, sa réussite sociale a placée la députée parmi l'élite, justifiant qu'elle traite de haut tout le monde. Interrogée par Mallock en prison, Camille admet défauts et qualités de sa mère. Grâce au témoignage de la sage-femme portugaise connaissant la vérité sur la naissance de Jean, l'enquête progresse un peu. Mais c'est loin d'être le seul secret que le commissaire doit découvrir dans ce dossier...
Tout policier de fiction digne de ce nom possède ses caractéristiques personnelles et ses propres méthodes. Ce commissaire d'âge mûr roulant dans sa vieille Jaguar, estimant sain de se parler à lui-même, d'un esprit sinon lunatique mais assez fantasque, ne manque pas de particularités. Néanmoins, l'observation et la déduction sont très développés chez lui. Et c'est avec un grand fond d'humanisme qu'il traite cette délicate affaire. Où, peut-être, des regards vers un lointain passé historique sont nécessaires pour assimiler le présent. S'il dispose de moyens techniques et d'une équipe, plutôt autonome, Mallock fonctionne à son rythme. Il est vrai qu'au départ, il est tout de même en vacances.
C'est dans les méandres d'une intrigue emberlificotée que nous entraîne donc Mallock. Il n'a pourtant pas l'intention de nous égarer dans un labyrinthe d'hypothèses oiseuses ou autres fausses pistes. Il nous invite à le suivre dans ses pérégrinations en Aquitaine, à marcher au même pas, sans chercher à en deviner plus qu'il n'en révèle. Dénicherons-nous ensemble, en toute transparence, la clé de l'énigme ? Certes oui, mais ce sera après un itinéraire pour le moins gratiné. La tonalité enjouée d'un récit fluide, autour de cet enquêteur hors normes, reste le meilleur atout de ce suspense policier fort excitant.