Annabelle, quarante-cinq ans, est reporter pour le grand journal quotidien marseillais. Séparée de sa famille, elle reste en grande partie attachée au souvenir de son défunt amant, Pierre Saint-Gilles. Son idylle avec le policier Jean-Louis Paoli n'a pas duré, mais ils sont toujours proches. En privée, Annabelle est une raffinée, amatrice de bons vins. Mais son professionnalisme prend souvent le pas sur sa vie perso. Elle est amie avec Noémie Cajner, photographe au journal. Quadragénaire mariée depuis longtemps à Marc, mère de leurs deux filles, Noémie ambitionne une exposition dans le cadre de “Marseille capitale de la culture”. Elle a de bons contacts avec Merlot, qui décide de l'attribution des budgets. Ce qui amène Noémie à s'absenter quand elle est de service au journal.
Une fusillade s'est produite au Plan D'Aou, quartier sensible marseillais. Puis l'intervention des flics s'est mal passée, un policier ayant été abattu. Annabelle est parvenue à assister au faits divers, sans Noémie. Des clichés, elle a dû en acheter à Cholan, un photographe indépendant présent aussi sur place. Le coûteux tarif demandé lui reste en travers de la gorge. Certes, Annabelle tient un superbe scoop, et les photos seront signées par Noémie. Le duo de tueurs avait exécuté quatre Comoriens, dont on a retrouvé les macchabées sur les lieux, avant de buter le policier. Jean-Louis Paoli est sur la piste de ces tueurs Blancs, des pros venus des Balkans. Annabelle adresse de virulents reproches à Noémie pour son absence, et récupère l'essentiel de la somme qu'elle a versée à Cholan.
Quelques temps après, Noémie est retrouvée noyée à l'Estaque. Plus sûrement s'agit-il d'un suicide que d'un simple accident. À ses obsèques, c'est Annabelle qui prononce son éloge funèbre devant Marc, leurs filles, et le gratin marseillais. Grâce à la journaliste, le policier Paoli était au courant de la substitution concernant les photos. Il n'en a pas fini avec Cholan, car celui-ci est impliqué dans des vidéos X. Son rôle y est mineur, mais ce sont néanmoins des séances sadomasochistes. Dans un de ces films, feue-Noémie tenait la place principale. Est-ce un cas de paraphilie, tel qu'on pourrait le lire dans un roman de Michael Connelly, ou plutôt un chantage sexuel ? Quand Annabelle retrouve Merlot, ils sont visés par des tirs. Les hommes de Paoli veillaient, heureusement. Si l'affaire de Plan d'Aou commence à prendre tournure, celle autour de Noémie n'est pas moins glauque...
Personne ne peut faire preuve d'angélisme quant aux réalités criminelles marseillaises. Le comptage des exécutions, et des actes violents en tous genres, témoigne de la tension qui règne dans cette ville. Sourde menace, d'autant plus grave qu'il n'a plus guère de Parrains mafieux pour régenter le banditisme actuel, ce qui va de pair avec la corruption. Comment imaginer que l'artificielle “paix sociale” qui est affichée ici ne soit pas tributaire de l'argent sale ? Si les “cités” sont minées par les trafics et par le fric trop aisément gagné, cela ne doit pas masquer les questions qui pourraient se poser autour des élites phocéennes. Et dire que cette ambiance nauséeuse dure depuis une bonne centaine d'années !
Il n'est pas difficile de décrypter le pseudo de l'auteur : (Anna) Belle de Mai, du nom d'un quartier marseillais bien connu. Quant à savoir si c'est une femme ou un homme qui se dissimule derrière, gardons-nous d'émettre des hypothèses. Certes, notre Annabelle est largement décomplexée. En pays marseillais, on se flattera volontiers de ses prouesses sexuelles ou de sa collection de conquêtes, c'est vrai. En ce sens, le roman s'inscrit dans une tradition locale bien ancrée. Et le type de films évoqués existe bel et bien, aussi médiocres soient-ils probablement. Cette intrigue part donc du principe incontestable que le pouvoir, c'est l'argent plus le sexe. Et c'est ainsi qu'Annabelle est entraînée dans une aventure tumultueuse, qui n'est pas sans danger pour son entourage comme pour elle. Un polar mouvementé, dans la bonne tradition.