Publié en 2010 aux Éditions Héloïse d’Ormesson, “Le joli mois de mai” est un bel exercice de style, plaisant à lire. La vie “elle en fait voir de toutes les couleurs, et surtout du noir et du foncé” se dit Aimé, narrateur malhabile du récit. Ce n’est pas qu’il explique mal, mais les souvenirs se mélangent aux faits du moment. Il faut pourtant bien qu’il évoque ce dont il fut témoin, et ce qu’il sait de ces gens aveuglés par l’héritage. Ici, l’écriture joue avec le langage, donnant sans en avoir l’air indices et révélations, au fil d’une intrigue criminelle de bon aloi. On sent pointer l’hécatombe.
Sans revenir sur l’impression favorable, il faut nuancer. La base du sujet n’a rien de novatrice, elle a servi à quantité de romans depuis qu’existe le genre policier. Il n’est pas inutile d’avoir quelques notions en la matière avant d’écrire un suspense. Éluder certaines précisions, c’est quelque peu tricher. En outre, aussi ciselé et littéraire soit-il, le style a ses limites. Tout lecteur tant soit peu exercé devinera très tôt les rouages et les connections, moteurs de l’affaire. Un roman d'Émilie de Turckheim à découvrir, néanmoins.
Dans sa propriété de Saint-Benoît-sur-Leuze, au cœur d’une contrée giboyeuse, Louis Yoke reçoit des hôtes amateurs comme lui de chasse au sanglier. C’est ce qu’il faisait jusqu’au mois dernier, avant qu’on ne le retrouve mort par balle sous un arbre de son domaine. Ne restent plus ici que ses employés Aimé et Martial, pour nourrir les poules et les cochons, passer l’épuisette dans l’étang, ratisser les allées, s’occuper de la maison. C’est surtout Aimé, aussi simplet paraisse-t-il, qui s’occupe de tout. Car Martial, au temps où M.Louis était encore là, a subi un sévère choc qui lui a laminé la tête et l’esprit. Pour le réconforter, Aimé ne peut même plus compter sur la tendresse de Lucette. Cette prostituée quadragénaire fut une habituée de la propriété, une intime de M.Louis.
Mai, c’est pas la saison de la chasse. Pourtant, Aimé et Martial doivent recevoir cinq invités. S’ils sont réunis, “c’est parce que M.Louis qui avait ni femme ni enfant ni considération pour personne à part son chat Grin [les] a choisis par hasard dans la liste de ses clients pour [tout] leur léguer” explique Aimé, avec la maladresse qui le caractérise. Ils devront patienter ce soir : le notaire viendra le lendemain à onze heures pour régler la succession. Les dispositions testamentaires de M.Louis restent un document assez sommaire, peu officiel. La soirée débute mal, et sera émaillée d'incident fort perturbateurs. Le lendemain, la matinée risque d’être longue, voire mortelle, en attendant l’arrivée improbable d’un notaire…