Willibald Adrian Metzger vit en Autriche, à notre époque. C'est un homme plutôt spécial, un célibataire que l'on peut qualifier d'asocial. Restaurateur de meubles anciens, voilà un métier de solitaire méticuleux, le seul qui lui ait convenu. Ce qui lui permet de siroter son vin rouge à l'abri des regards, aussi. Déjà au lycée, Metzger fut un élève à part, tête de Turc de la plupart de ses condisciples. Les brimades des dominants de la classe, tel Dobermann qui abusait de sa force, il les subissait en affichant un certain flegme. Gardant sa neutralité, l'élève Pospischill (devenu depuis commissaire de police) appréciait Metzger pour ce trait de caractère. Pour Metzger, la Terminale B détermina sans doute la suite de son existence, rompant vite tout contact avec les autres élèves. Il ne sut jamais pourquoi Dobermann quitta l'établissement brutalement avant la fin d'année, ni ce qu'il devint.
Un soir, vingt-cinq ans après l'époque du lycée, il découvre dans le parc qu'il a coutume de traverser face à son ancienne école, le cadavre du cruel Dobermann, assassiné. Le temps de prévenir la police, et le corps a disparu. Son ami d'antan, le commissaire Pospischill, pense qu'il s'agit d'une hallucination due au vin rouge. Ayant récupéré l'un des mocassins râpeux de Dobermann, Metzger comprend qu'on veut l'impliquer dans ce décès. Pourquoi ressusciter un passé guère amusant pour lui ? Il apprend que Dobermann fut accusé d'une tentative de viol sur la séduisante prof Birgit Kitzler, raison de son départ prématuré. Et que le même Dobermann revint quatre ans plus tard se venger mortellement d'un de leurs condisciples. Condamné, il fit un long séjour en prison, dont il sorti voilà quelques temps physiquement diminué. Ces faits qu'il ignorait jusqu'à là attisent la curiosité de Metzger.
Il demande à Pospischill les adresses des anciens élèves encore vivants, afin d'organiser une réunion des anciens de la Terminale B. De retour au lycée, il découvre que le nouveau directeur est leur ex-prof de chimie, qui a épousé entre-temps Birgit Kitzler. Metzger renoue avec la gardienne de l'établissement, Danjela Djurkovic. Une femme sur laquelle il fantasma autrefois car elle était nettement plus jeune que son mari, maintenant décédé. Il entrevoit la possibilité de devenir intimes, désormais. Metzger recontacte leur professeur principal de Terminale B. Peu à peu, il réalise que les faits accablant Dobermann s'avèrent moins sûrs qu'on ne l'a dit. La soirée de retrouvailles des anciens élèves se passe bien, mais sans lui apporter de révélation cruciale. Pourtant, dans l'ombre, quelqu'un essaie effectivement de l'aiguiller vers la vérité. Grâce à cette enquête, “Metzger est sorti de son trou et, pour la première fois, il a le sentiment d'être vivant.”
Il convient de saluer avec un réel enthousiasme l'arrivée de ce nouveau détective amateur qui, dans son Autriche d'origine, a déjà vécu une demie douzaine d'aventures. Certes, ce brave Metzner n'a jamais plu aux femmes, il manque d'exercice, il ne supporte pas la fumée de tabac, il n'a pas voulu apprendre à conduire, il n'a pas une haute opinion de ses contemporains, et il est fier d'avoir les mêmes initiales que Mozart. Les gens le voient comme “un type crédule, bon enfant, un peu porté sur la boisson” forcément inoffensif.
Il connut une enfance perturbante, une adolescence sans brio, et mène une vie effacée. Pas un super-héros, ce bonhomme de quarante-cinq ans. Néanmoins, ou justement pour tous ces motifs, Metzger est un personnage irrésistiblement attachant. Aussi parce qu'on sent en lui l'envie d'aller au bout de ses investigations parallèles, malgré son impréparation.
Ah, les copains de scolarité, quel souvenir conserve-t-on d'eux ? Images du bon temps ou épisodes désagréables ? Élèves médiocres dénigrant le système éducatif, élèves studieux qui restaient moyens malgré leurs efforts, cadors arrogants qui croyaient posséder un réel charisme, et ceux toujours prêts à inventer une sale rumeur au détriment des autres. Un bilan un peu mitigé pour beaucoup d'entre nous. Sans doute est-ce ce qui nous rapproche de Metzner. Lui, qui se savait déjà “décalé”, il y a gagna un certain humanisme. Ce regard bienveillant, qui permet de choisir avec qui on va fraterniser.
À force de rester stoïque face à ses tourmenteurs, il passa pourtant à côté d'un incident aux conséquences dramatiques. Aiguillonné par sa tendresse amoureuse envers Danjela, il s'agit pour Metzger d'y revenir, de vérifier ce qui était vrai ou faux. Sur une tonalité narrative fort enjouée, avec de petites traces d'ironie, un suspense vraiment délicieux. On espère déjà que ses autres enquêtes seront traduites en français.