En cette fin d'année 2013, deux rééditions bienvenues au Livre de Poche...
Sylvie Granotier : "La Rigole du diable"
À vingt-six ans, Catherine Monsigny est avocate pour le cabinet de Me Renaud, ténor du Barreau. Elle espère qu’un procès criminel l’aidera à se faire un nom, en démontrant sa compétence. L’affaire Myriam N’Bissi lui en offre l’opportunité. Native du Gabon, elle réussit à échapper à la famille qui l’exploitait en France. Grâce à une association militante, elle put épouser Gaston Villetreix, plus âgé qu’elle d’une trentaine d’année. Elle partit vivre avec lui dans la Creuse, à Saint-Jean-des-Bois. Le mariage dura six ans, jusqu’au décès de Gaston. Le permis d’inhumer fut accordé, mais des cousins visant l’héritage accusèrent Myriam. Il est vrai qu’on trouva le même poison dans le corps autopsié de Gaston et dans la maison. Incarcérée à Guéret, visiblement déprimée, Myriam nie avoir tué son mari. Il est vrai que dans ce village où les portes ne sont pas fermées à clé, on a pu aisément déposer le poison chez ce couple, trop original pour la bourgade.
Catherine reste perturbée par son propre univers familial. Elle n’avait que quatre ans quand sa mère fut assassinée. Le meurtrier épargna l’enfant, qui ne saurait le reconnaître. Elle fut élevée et protégée par son père, le Dr Claude Monsigny. Ils changèrent de région et de nom. Catherine n’a jamais obtenu de détails sur le drame, son père s’étant réfugié dans une solitude fermée. Certaines nuits, la jeune femme est hantée par des images de sa mère, plus imaginées que vraies. Sans négliger des affaires mineures, Catherine s’implique dans la future défense de Myriam. Lors de ses séjours en Creuse, elle s’installe dans une chambre d’hôtes du côté d’Aubusson, chez des amis du journaliste Louis Bernier, avec lequel elle a sympathisé. Au village, elle est troublée par Olivier, un néo-rural voisin et ami du couple Gaston-Myriam. Louis et Olivier sont ses meilleurs alliés sur place, le journaliste se renseignant même pour elle...
Voici quelques éléments factuels, pas les fins détails qui donnent sa force au récit. On retrouve la virtuosité narrative, qu’on aime chez cette auteure. Il convient de noter la précision des décors et des ambiances, parisiennes ou creusoises. Au tribunal ou au cabinet de Me Renaud, à la prison de Guéret ou chez les amis de Catherine dans le Creuse, les scènes apparaissent vivantes et naturelles, d’une belle crédibilité. Autre point fort capital, la psychologie des personnages. Avec subtilité, Sylvie Granotier concocte un scénario délicieusement mystérieux, riche en questions et en péripéties. Un roman absolument passionnant.
Jean-François Coatmeur : "Une écharde au cœur"
Disculpé par un non-lieu, le quadragénaire Gwen Malinec est libre après deux ans et demi de prison. Il reste en contact avec sa compagne Nicole, qui s’occupe de leur fille Justine. Il est préférable que Gwen ne revoit pas Antoine, 17 ans, fils adoptif de Nicole, à cause de qui il fut incarcéré. C’est dans la maison de sa défunte mère, à Pouldavid près de Douarnenez, que Gwen va s’installer avec son chien Argo. Alors qu’il approche de sa destination, une ombre fantomatique surgit dans la nuit. Ayant été agressée alors qu’elle se baignait dans une crique voisine, une jeune femme cherche du secours. Gwen accepte d’héberger Mara, 28 ans. Sa première version des faits apparaît douteuse. En effet, elle oublie volontairement de préciser qu’elle se trouvait cette nuit-là avec son amant Yvan. Gendre d’un puissant élu local, celui-ci n’est pas intervenu. Croyant que Mara s’est noyée, il laisse toutefois un ultime message sur son répondeur.
Ayant été averti qu’Antoine a fait une fugue, Gwen pousse Mara à lui confier la vraie version de sa mésaventure. Elle possède peu de renseignements sur Yvan, sauf qu’il est vaguement prof de dessin. Ce n’est pas lui qui l’a agressé dans l’eau, Mara en est certaine. Elle finit par admettre avoir été contactée par un inconnu, afin de piéger son amant. À la fois, elle fut contrainte d’accepter car on menaçait son fils hospitalisé, et elle ne pouvait refuser la jolie somme promise. Ce qui n’explique pas pourquoi c’est elle qui a été victime d’une agression. Par son ancien instituteur, Gwen envisage l’éventualité qu’Yvan soit un de ses ex-copains de classe. Septuagénaire, Guillaume fut le voisin et l’ami de Gwen. Aujourd’hui en maison de retraite, il réclame avec insistance que Gwen et Nicole lui rendent visite. Son état frisant le délire inquiète le couple, qui ne comprend pas sa manière de les rejeter. On est toujours sans nouvelle du jeune Antoine...
Il ne viendrait à l’idée de personne de contester la qualité supérieure d’un roman de Jean-François Coatmeur. Ses suspenses se savourent pour plusieurs raisons. La densité de l’intrigue constitue évidemment le premier atout. Il le démontre une fois de plus ici. Grâce à des personnages complexes aux secrets inexprimés, grâce à des situations gardant une large part d’ombre, le lecteur avance sur un chemin incertain. L’auteur est le seul maître du labyrinthe où il nous a entraînés.