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20 décembre 2013 5 20 /12 /décembre /2013 05:55

Carrickfergus est une petite ville côtière un peu au nord de Belfast, en Ulster. En ce début de printemps 1982, c'est la quatorzième année que sévit en Irlande du Nord cette guerre civile que les Anglais nomment des Troubles. Depuis la mort de Bobby Sands en mai 1981, l'IRA n'a aucun problème pour recruter des volontaires. Presque chaque jour, des bombes explosent à Belfast, la répression anglaise et les milices protestantes n'y pouvant rien. La population vérifie chaque jour si l'on a pas posé un explosif sous sa voiture. Les trajets dans la région de Belfast sont malaisés. À partir du 2 avril, la Guerre des Malouines qui débute risque d'enlever des troupes militaires en Irlande du Nord, ce qui peut dé-sécuriser encore une situation déjà largement chaotique.

Bien que médaillé après une précédente affaire, l'inspecteur Sean Duffy n'est pas vraiment heureux, car il reste lucide sur le foutoir qui l'entoure. Ce qui explique d'ailleurs en partie que sa compagne, la médecin légiste Laura Cathcart, préfère s'éloigner en Écosse durant quelques temps. Son appartement trop vide de Coronation Road est à peine un refuge pour Sean Duffy. Nouvelle affaire mystérieuse, lorsqu'on retrouve un torse humain dans une valise jetée une benne à ordures. Le corps a été congelé, mais difficile de déterminer depuis quand. L'homme, sans doute un étranger, a été empoisonné. Toutefois, l'abrine est un toxique extrêmement peu courant. La plante dont on l'extrait ne semble pas du tout présente dans les îles anglo-irlandaises. Le tatouage de la victime va apporter un élément crucial. L'homme est un ancien soldat d'un régiment d'élite américain.

Malgré les précautions de l'assassin, la police découvre l'adresse du propriétaire de la valise funeste. Sean et son collègue y sont reçus par la veuve de Martin McAlpine. Celui-ci a été abattu dans la cour de sa ferme par un commando de l'IRA en décembre dernier. Le scénario du meurtre apparaît illogique à Sean. L'agressive chienne de McAlpine aurait dû réagir, et puis les fusils de chasse ordinaires sont obsolètes au sein de l'IRA. Le collègue local de Sean confirme que le dossier est clos, après une enquête bâclée. Pas de trace sur les lieux des douilles du tueur, ni de marques laissées par sa moto, c'est étonnant aussi.

Le corps de la valise est finalement identifié. Il s'agit d'un nommé Bill O'Rourke, venu en pèlerinage au pays de ses ancêtres. Comme si la région en proie à la guerre civile était si touristique. Le consulat des États-Unis ne collabore qu'au minimum. Dans cette affaire, les meurtres sont assurément destinés à masquer un trafic. Sean Duffy doit faire un détour ― très agité, puisqu'il passe par l'hôpital ― via Boston (Massachusetts) afin de faire avancer son enquête, malgré le FBI. Il comprendra enfin d'où vient l'abrine, ce poison si rare. Bien qu'il ait reconstitué l'ensemble des faits, après un final explosif, Sean risque des ennuis hiérarchiques...

Adrian McKinty : Dans la rue j'entends les sirènes (Éd.Stock, 2013)

Après “Une terre si froide” (2013), c'est la deuxième aventure de Sean Duffy publiée dans la collection Cosmopolite Noire, chez Stock. Merci à l'ami Norbert de m'avoir signalé cette trilogie. Commencer par le deuxième titre ne pose aucun problème, j'en témoigne. Cette histoire démontre, une fois de plus, qu'une enquête mouvementée n'est pas incompatible avec l'ambiance du roman noir. D'autant que, les faits étant racontés par le héros, l'auteur y ajoute une dose d'humour, entre autodérision et ironie fataliste. Sans doute était-ce le seul moyen de ne pas sombrer, pour qui survivait en ces temps perturbés à Belfast.

C'est évidemment par son contexte général que cette intrigue appartient pleinement à la catégorie du roman noir. On est là dix ans après le dramatique Bloody Sunday, mais la guerre civile avait débuté quelques années plus tôt entre minorité catholique et majorité protestante. S'il évoque les belligérants, et la montée en puissance de l'IRA au début de l'ère Thatcher, Adrian McKitty souligne surtout le climat qui règne dans la population. La police est mise à contribution aux côtés de l'armée, alors qu'elle inclut des personnels de plusieurs religions. À cause de cette instabilité, l'Ulster perd de plus en plus d'atouts économiques. Ce qui n'incite guère à y rester quand on peut faire autrement. À moins d'être attaché à cette terre, et d'accepter une certaine dérision, comme Sean Duffy.

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commentaires

P
Salut Claude, tu dégaines avant moi ... avant même que je l'aie ouvert. Je commencerai par le premier, en ce qui me concerne puis le deuxième dans la foulée. effectivement, il est sélectionné pour Polar SNCF et d'ailleurs, ce trimestre ci, il y a beaucoup de découvertes à faire ! Amitiés
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C
Salut Pierre<br /> Je ne cache pas que l'ami Norbert a excité ma curiosité (et c'est bien la curiosité qui est notre moteur, non ?). Un auteur dont je lirai, le moment venu, les autres romans, c'est certain.<br /> Amitiés.
N
Bonjour Claude,<br /> Ah, mille mercis de t'être penché sur cet auteur et sa magnifique trilogie ! Quand j'ai reçu dans ma boîte à mail l'annonce d'un nouvel article de toi avec ce titre de McKinty, mon sang n'a fait qu'un tour !<br /> Dans le précédent volume, &quot;Une terre si froide&quot;, Sean Duffy faisait en quelques sortes son &quot;baptême du feu&quot; en tant qu'inspecteur confronté à des assassinats visant des homosexuels, mais s'apercevait ensuite que l'IRA n'était pas loin. Et l'affrontement entre les divers groupes paramilitaires au sein duquel Duffy essayait tant bien que mal de mener son enquête était mis en avant, avec quelques révélations explosives... notamment sur certaines manigances britanniques.<br /> En tout cas, j'espère que tu as aimé ce roman (car au final, tu te prononces peu, il me semble, non ?)<br /> Bonne journée à toi !<br /> Amitiés.
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C
Témoignage perso qui complète ce que tu dis...<br /> Au Festival de Lamballe, j'ai déjeuné en compagnie de Sophie Loubière et de Jean-Luc Bizien, à la même table que Sam Millar et son éditrice. Patrick Raynal ayant terminé de manger avant nous (on était à la bourre) vient vers notre tablée, me salue avec effusion, et (c'est bien normal) entame la conversation avec Sam Millar et M.C.Aubert. Plus tard, nous avons parlé avec Patrick d'Harry Crews (il en a deux autres en attente) et de ce livre de B.Traven inédit (que j'ai chroniqué depuis). Je ne raconte pas tout cela pour le flatter, mais pour expliquer que le relationnel est essentiel. <br /> Par ailleurs, oui, les deux premiers Seamus Smyth étaient très réussis, voyons la suite.<br /> Amitiés.
N
Exactement ! Voilà pourquoi j'aime tant Patrick Raynal, qui continue à jouer un rôle important d'intermédiaire et de défricheur (comme pour Harry Crews chez Sonatine, Donald Ray Pollock et son recueil de nouvelles chez Buchet-Chastel, Sam Millar et, normalement bientôt m'a-t-on dit, un autre Irlandais dont il avait publié deux romans chez Fayard Noir (&quot;Trois accidents et un suicide&quot; et &quot;Rouge Connemara&quot;) : Seamus Smyth...
C
Bonjour Norbert<br /> Oui, la Cosmopolite Noire et Sueurs Froides nouvelle version ont une bonne carte à jouer dans le paysage du roman noir. Certes, il y a le prestige de la Série Noire et de Rivages/Noir, certes il y a d'excellents titres chez Actes Noirs, Seuil Policier, Liana Lévy et chez tant d'autres éditeurs, certes la coll.noire de 10-18 n'est pas négligeable, mais il y a place pour des auteurs comme Lansdale et ceux que tu cites aussi.<br /> Il est certain que les ventes pèsent sur cette question, mais peut-être d'autres critères aussi. Aurélien Masson connait bien son métier, là n'est pas le problème. Mais il faut parfois cultiver une relation plus concrète (qu'un simple contrat) avec des auteurs, pour sentir leur potentiel présent et à venir... <br /> Amitiés.
N
Non, Adrian McKinty ne date même pas de la période Patrick Raynal de la Série Noire - auquel cas je me serais fait moins de soucis pendant tout ce temps ! - mais bien de celle d'Aurélien Masson, qui après avoir publié une première trilogie et un roman &quot;one-shot&quot; (&quot;Le fleuve caché&quot;) avait arrêté car les ventes n'étaient vraisemblablement pas au rendez-vous. Depuis, je suis plus ciconspect sur le cas d'autres auteurs irlandais qui lui avait succédé à la SN, comme Declan Hugues, auteur en 2010 de &quot;Coup de sang&quot; récompensé par le Prix polar européen du Point, ou même de Gene Kerrigan qu'il avait débauché du Masque pour publier en 2011 &quot;L'Impasse&quot;, sans nouvelle depuis...Et sans parler de Colin Bateman, même si cela ne m'étonnerait pas qu'il soit récupéré par Frédéric Brument de la collection Sueurs froides de Denoël comme l'ont déjà été cette année Victor Gischler, Lansdale et Bill Pronzini. Du temps où Brument dirigeait la collection Thriller des Editions du Rocher, il publiait aussi un auteur que j'aimais bien, Jason Starr, et j'ai justement eu confirmation par Facebook que Denoël traduirait l'un de ses romans l'année prochaine. <br /> Mais, comme tu dis, le suivi d'auteurs étrangers est délicat.
C
Bonsoir Norbert<br /> Je suppose qu'Adrian McKinty ait partie de ces auteurs délaissés par la Série Noire au départ de Patrick Raynal. Il est donc très satisfaisant qu'il soit &quot;redécouvert&quot; dans une nouvelle collection, bien partie mais qui devra s'imposer à son tour. <br /> On sait que le &quot;suivi&quot; des auteurs étrangers est compliqué. Je ne trahirai aucun secret en disant que Marie-Caroline Aubert, qui imposa Megan Abbott chez Le Masque, la regrette depuis qu'elle est chez Seuil. Ou que Patrick Raynal, proposant &quot;La guerre des pauvres&quot; de B.Traven chez Le Cherche Midi, poursuit une ligne éditoriale qui lui est chère. <br /> On souhaite donc un beau succès à Adrian McKinty !<br /> Ce samedi, pas un polar, mais un roman sociologique particulier qui - comme &quot;Moralopolis&quot; - ne te laissera sans doute pas indifférent, cher Norbert.<br /> Amitiés.
N
Non, je me suis mal exprimé, désolé. Et je suis justement content que tu aies aimé.<br /> En 2012, j'avais lu un billet sur son blog où Adrian McKinty s'interrogeait - et désespérait un peu aussi - sur le fait qu'il n'était plus publié aux USA. Lui-même disait qu'il ne comprenait pas parce que ses romans étaient en plus tous encensés par la critique, notamment The Guardian, et je comprends l'état d'esprit dans lequel i devait se trouver. L'avantage sur son blog c'est que de nombreux autres auteurs irlandais (ou britanniques) participent via les commentaires, et le sujet avait suscité un longue discussion, notamment avec des auteurs irlandais qui furent traduits en France ces dernières années, mais sans suivi. Moi j'enrageais en lisant ça puisqu'à l'époque McKinty n'était plus publié depuis 2009 en France à mon grand désespoir. Donc tu imagines quel fut ma joie début 2013 quand j'ai appris qu'un nouveau roman de lui allait paraître en France, et qu'il s'agirait qui plus est d'une trilogie !<br /> Et franchement, c'est un tel bonheur à chaque fois de le lire (à la fin de &quot;Dans la rue...&quot;, je ralentissais ma lecture même si l'enquête se terminait pour pouvoir savourer le plus longtemps les dernières pages avec Duffy !...), que j'espère vivement que les éditions Stock auront la bonne idée d'en faire l'un de leurs auteurs récurrents pour cette nouvelle Cosmopolite Noire qui a le bon goût de ne pas chercher visiblement à publier des best-sellers formatés.<br /> Et comme &quot;Dans la rue j'entends les sirènes&quot; vient d'être sélectionné pour la sélection d'hiver du prochain Prix Polar SNCF, j'spère que ce sera là aussi un moyen de faire découvrir cet auteur à un plus large public. D'autant plus que celui-ci bénéficie d'une excellente traduction d'Eric Moreau, alors que &quot;Une terre si froide&quot;, s'il n'était pas mal traduit, avait une traduction plus académique (parlant de &quot;joints&quot; quand ici il est question de &quot;bédos&quot; par exemple). Mais tu verras que tu en apprendras de belles sur les sujets évoqués dans mon message plus haut, et toujours avec une enquête très mouvementée !<br /> Amitiés.
C
Salut Norbert<br /> Je me prononce peu ? Le fait de l'avoir lu et chroniqué en priorité me semble assez parlant, non ? Si je n'avais pas adhéré, ce ne serait pas le cas. Il faudra que je lise les autres titres de cette trilogie, en effet. <br /> Et j'irai aussi explorer le blog d'Adrian McKinty :<br /> http://adrianmckinty.blogspot.fr/<br /> Amitiés.

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