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26 novembre 2013 2 26 /11 /novembre /2013 05:55

Vincent Cortal est retraité de l'Éducation Nationale depuis quatre ans. Cet ancien prof de dessin et d'autres matières mène maintenant une vie solitaire et oisive à Paris. Ayant été convoqué par un notaire, maître Lenœuf, il n'en devine nullement la raison. Est-ce qu'il se souvient de Matilda Rosken, une Franco-Américaine marginale limite clocharde, vivant en France depuis les années soixante, habitant un appartement genre cloaque ? Sur une série de photos d'elle à plusieurs âges, cette Matilda ressemble vaguement, en beaucoup plus négligé, à la cinéaste Agnès Varda. Fouillant dans sa mémoire préhistorique, de lointaines images reviennent à Vincent. Il se rappelle de la décennie 1970, au temps où il traquait les films improbables du cinéma expérimental.

Au Centre Américain, on diffusait parfois ces œuvres underground qui s'affichaient élitistes, loin du cinéma traditionnel. Projections sauvages, semi-secrètes. Quelques cinéastes étaient issus de la Factory, d'Andy Warhol, semblait-il. Quand on débattait de la qualité de ces créations, Matilda et Vincent étaient généralement d'accord. Tout ça reste quand même flou pour lui, et ne justifie assurément pas qu'il soit légataire de Matilda. En effet, il hérite de quatre-vingt-six bobines de ces films qu'ils visionnaient autrefois, qui n'ont de valeur que pour des frappadingues dans son genre. À en croire le policier Carquignand, Matilda Rosken a été assassinée après avoir été brutalement interrogée. Voilà de quoi surprendre Vincent, mais il ne se sent pas plus que ça concerné.

Il dispose d'un local, où il aménage une petite salle de cinéma perso. “J'ai réalisé tout à coup que ma retraite m'emmerdait depuis un bon moment sans que j'ose me l'avouer. J'avais enfin quelque chose de sérieux à faire. Récupérer les joies idiotes de mon passé. Redevenir jeune et insouciant. Inespéré...” Belle collection, suscitant des réminiscences de l'avant-gardisme de jadis, pour Vincent. Par rapport à la liste répertoriée par Matilda, il doit manquer deux films. La question qui pèse sur le cortex de Vincent, c'est l'importance fort relative de ces œuvres disparues. Il ne compte pas sur le sceptique flic Carquignand pour l'éclairer. Quand Vincent est agressé avec violence par deux prognathes en joggings, une longue hospitalisation s'impose. Sa convalescence dans “la Venise du Gâtinais” ne le met pas à l'abri de ses ennemis. D'autant qu'il a retrouvé les films manquants...

Jean-Bernard Pouy : Calibre 16mm (Éd.In-8, 2013)

Les véritables initiés du cinéma expérimental sont infiniment rares. L'image fixe qui dure huit heures, les photogrammes raturés, ou l'abstraction esthétisante, n'ont jamais attiré qu'un public clairsemé. Expression artistique absconse, qui eut quelques adeptes, surtout quand l'ombre magique d'Andy Warhol semblait planer derrière ces créations. Il suffisait qu'une production (films, livres) se proclame underground pour glaner un peu de prestige. Les plus téméraires assistaient à d'insondables happenings, dénués de tout intérêt. Tel est donc le contexte passé évoqué par J.B.Pouy, qui tâta sûrement de cet univers.

Toutefois, c'est bien dans un sombre suspense que baigne ce roman court (ou novella). Le héros qui n'a rien d'héroïque hérite suite à un meurtre, et risque lui-même sa peau. Que les adversaires soient moldo-valaques, périgourdins ou plus classiquement américains, ils sont infiniment dangereux. Il y a même de la mutation dans l'air pour le flic, c'est dire leur puissance. On connaît et on apprécie la tonalité enjouée des histoires racontées par Pouy. Ce “Calibre 16mm” nous offre, une fois encore, un vif plaisir de lecture.

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commentaires

Y
Bonjour Claude, encore une fois un plaisir de lire JB Pouy, en fait ça devient un pléonasme tellement on lit JB Pouy pour le plaisir. Je ne sais pas si ce monde du cinéma underground était si navrant, c'était une expérience avec une faune très particulière sans doute, des plans chiants sûrement...<br /> Amicalement,<br /> Yves
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C
Salut Yves<br /> Tant pis si je passe pour un béotien, mais certaines &quot;installations&quot; artistiques actuelles, mêlant images vidéos et œuvres plastiques, ont encore du mal à me convaincre. Alors, du temps de la préhistoire de cette forme artistique, je pense que ça devait être encore plus naze dans l'ensemble. L'étiquette &quot;underground&quot; était quand même bien pratique pour faire passer ça pour de l'esthétisme... Quant tout cela est raconté par J.B.Pouy, c'est effectivement très plaisant, bien souriant. Amitiés.
P
Rebonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Juste pour vous dire qu'hier mardi j'ai assisté à l'avant-première du film &quot; Tony London serial killer &quot; au cinéma Action Christine à Paris 6ème.<br /> Présentée par Stéphane Bourgoin.<br /> <br /> http://www.au-troisieme-oeil.com/index.php?page=actu&amp;type=skr&amp;news=42594<br /> <br /> J'ai eu le plaisir de parler à Nadine Monfils qui était là en spectatrice, en lui disant que je consultais Action-Suspense et en citant votre nom. Elle a renchéri en confirmant vous connaître.<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> Y a intérêt à ce que la p'tite Nadine joue pas les dédaigneuses, non mais ! Je l'adore et je l'embrasse fougueusement à chacune de nos rencontres. Entre nous, c'est l'osmose. Sa délirante mémé Cornemuse, son commissaire Léon, et tous ses polars sont très originaux. Je vous recommande aussi ses érotiques, des voyages plutôt fantasmagoriques, devrait-on dire !<br /> Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Quelle ville est la Venise du Gâtinais ? Je sais que c'est en Seine-et-Marne ( safran, miel, bières du Gâtinais ), mais je ne vois pas.<br /> Calibre 16mm, c'est un jeu de mots ? On parle de bobines de films en 16mm, mais s'agissant d'un polar le mot calibre fait aussi référence à une arme à feu ?<br /> Rue Daguerre, dans le 14ème à Paris, il y a la boutique ( dont elle est peut-être propriétaire ) qui propose tout ce qui a trait à Agnès Varda, qui habite cette rue depuis des dizaines d'années. Et qui avait fait le film documentaire &quot; Rue Daguerre &quot; au début des années 1980. A revoir aujourd'hui pour voir ce qui a changé, ce qui est resté. Le marché, les commerces, la proximité de l'entrée des Catacombes ( occasion pour moi de tirer par les cheveux en reparlant du livre de Toby Ball sur les Catacombes, les archives de la Ville ), les caves Péret ( depuis 1910 ), le miel de chez la famille Mary, la fromagerie avec du Stilton ( fromage anglais, bleu comparable à celui de Gex ou des Causses, comme le bleu du Shropshire ).<br /> <br /> Cordialement
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C
Voyons, cher Philippe, vous si cultivé, vous l'ignorez ? <br /> Extrait : &quot;Alors, je me suis installé à Montargis. On m'aurait annoncé ça deux mois auparavant, j'aurais pris ça pour une insulte grave. Mais c'est très joli, Montargis. La &quot;Venise du Gâtinais&quot;, son Château royal, son Eglise Sainte-Madeleine, ses cent trente ponts et passerelles, et ses pralines... Très joli. Vraiment. Deux mois, ça va quand même être long.&quot;<br /> Le terme &quot;calibre&quot; est mis à toutes les sauces dès lors qu'il s'agit de polar. Du côté d'Agen, mon ami Pierre Seguelas fonda le festival (et le Prix) Calibre 47. Nom qui fut repris par l'inestimable Claude Mesplède pour son site Internet. Alors, pourquoi pas un &quot;calibre 16mm&quot;, en référence au format cinéma supérieur au 8mm et au Super8. Quant aux films underground évoqués dans cette histoire, ça a existé. Agnès Varda a réalisé, quant à elle, des films personnels, mais pas dans cette veine navrante. Elle est d'ailleurs comparée à la défunte, mais en nettement plus sélect.<br /> Amitiés.

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