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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 05:55

Jake Skowran vit dans une petite ville du Wisconsin. L'endroit est économiquement sinistré depuis la dernière crise. Comme quelques autres, l'usine qui employait Jake et beaucoup de gens a fermé définitivement. Sa compagne Kelly l'a quitté, et il est endetté auprès des organismes bancaires. Ses paris perdants chez le bookmaker local l'appauvrissent encore davantage. Son fidèle copain Tommy Waretka dirige une station service appartenant au groupe Gas'nGo. Il s'est arrangé pour lui proposer un poste, boulot de nuit mal payé, mais mieux que rien. Le jeune employé Prezda lui inculque quelques bases, dans un jargon qu'il doit traduire. Le job pourrait lui convenir, mais un délégué du groupe Gas'nGo vient troubler la situation. Le nommé Brecht risque de mettre sur la sellette le poste de Tommy, et le statut des deux employés, faute d'appliquer strictement les règlements édictés.

Jake doit 4200 dollars à Ken Gardocki, le bookmaker. Celui-ci lui offre 5000 dollars pour assassiner son épouse Corinne, plus jeune que lui. Huit cent tickets de bénéfice, Jake ne va pas cracher sur cette opportunité. D'autant que le bookmaker a prévu un plan sans faille pour le samedi soir suivant. S'interroger sur la morale ? “Des types nous ont tués, moi et ma ville, et je suis sûr que ça ne les empêche pas de dormir. Pourquoi devrais-je m'arracher les cheveux à cause de Corinne Gardocki ?” D'ailleurs, lorsqu'il voit des sociétés telle EFS profiter de la crise, comment ne pas avoir envie de buter bon nombre de malfaisants ? L'homme de main du bookmaker, Karl, fournit un pistolet à Jake. Son jeune collègue le remplace au boulot tandis que, sous la pluie, il va à pied remplir sa mission. Après coup, même si c'est imprudent, Jake conserve l'arme du crime.

Puisque Brecht entend faire du tort au personnel de la station service, autant le mettre hors course sans tarder. Puisque le bookmaker propose à Jake une mission à New York, pour abréger la vie d'un malade du sida de Long Island, autant que ça lui rapporte de fric. C'est le système qui fait de Jake un tueur à gages : “Un monde sans règle... [Il y a] des gens dans des immeubles de bureaux qui essaient en ce moment même de calculer si licencier sept cent personnes leur fera économiser de l'argent... L'économie c'est la souffrance, les mensonges, la peur et la bêtise, et je suis en train de me faire une niche. Je ne suis pas plus fêlé que le voisin, simplement plus décidé.” Certes, il risque de passer pour suspect. Pourtant, il gagne en lucidité concernant l'entourage de Garbocki. Au final, c'est peut-être un job d'avenir, qui lui permettrait une nouvelle vie de couple...

Iain Levison : Un petit boulot (Éd.Liana Levi, coll. Piccolo, 2013)

Pour le symbolique n°100 de leur collection de poche Piccolo, les Éditions Liana Levi ont choisi de rééditer le premier succès de Iain Levison, sorti en 2003. Belle initiative, car il s'agit d'un roman magistral. Une histoire dont le thème est plus universel que jamais, les crises économiques frappant partout la population.

Au-delà de l'intrigue criminelle, c'est le sort des victimes d'injustes licenciements qui est au cœur du sujet. Remonter la pente est improbable pour beaucoup, pas de miracle à attendre. Alors survivre, même en végétant, reste la moins indigne des solutions. Pendant ce temps, les groupes financiers mondiaux conservent de juteux bénéfices et dividendes, qu'on se rassure. Et d'autres petits malins profitent également de la crise. Telle cette société “qui se fait du fric en inventant des moyens de transmettre l'aide de l’État à des gens marginalisés. Un informaticien rapace a un contrat avec l'État parce que nous avons tous perdu notre boulot. On se nourrit sur notre dos, c'est la pire des insultes.”

L'unique réponse réside-t-elle dans le cynisme de Jake ? Être encore moins moral que ces grosses sociétés internationales semant la misère. Profiter de n'importe quelle occasion, fut-ce en supprimant ses congénères. Évidemment, c'est avec une sacrée ironie que nous sont racontées les péripéties des aventures de ce tueur à gages improvisé. Un moyen de réveiller la conscience citoyenne de chacun d'entre nous, peut-être. Même si ça reste une fiction, pas un mode d'emploi, c'est probablement ce qui a fait le succès de ce livre. Cette réédition est la bienvenue, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore.

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commentaires

R
Bonjour Claude,<br /> Je viens de terminer &quot;Un petit boulot&quot; : incontestablement il me fait penser au superbe roman noir de Donald Westlake &quot; Le Couperet&quot; qui m'avait impressioné lors de ma lecture en 2000 , si la désespérance du &quot;héros&quot; est la même je trouve que l'analyse du personnage de Westlake est nettement plue fouillée presque plus &quot;justifiée&quot; si j'ose dire !!<br /> Quoiqu'il en soi, ce sont des bouquins à lire qui poussent à la réflexion et que l'on referme avec une impression d'être &quot;groggy&quot; .....<br /> Dommage que ce soit sans doute toujours les mêmes &quot;pignoufs&quot; qui les lisent, alors que ce genre de lecture devrait être obligatoire pour ces faiseur de profits à tout prix, style Mittal et autres, la liste est tellement longue !!!!!<br /> <br /> Amitiés <br /> <br /> Robert
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C
Bonsoir Robert<br /> Certains milieux sont totalement conditionnés, ignorants des réalités sociales. Un trader (tel Jérôme Kerviel, mais il n'est pas le seul) joue avec des millions virtuels, les entreprises souvent internationales jouent avec leurs employés et ouvriers, des états (comme l'Allemagne) font du dumping social et du protectionnisme... et ceux qui trinquent, ce sont les citoyens de base. Voilà ma réflexion de citoyen, hors de tout parti pris politicien. Et ce genre de roman (dont &quot;Le couperet&quot; ou &quot;Les visages écrasés&quot; de Marin Ledun) devrait faire prendre conscience que les adversaires de la population, ce sont avant tout ceux qui accentuent les crises économiques, donc les financiers. Qui ne savent lire que des chiffres, des bénéfices et des dividendes. <br /> Oui, un roman à conseiller au plus grand nombre !<br /> Amitiés.
P
Salut Claude, effectivement, c'est un sacré livre qui, sous des dehors de situations comiques posent de vraies questions toujours d'actualité. Une lecture intelligente impérative. Amitiés
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C
En effet, Pierre.<br /> Quand tu l'as chroniqué voilà quelques jours, ce roman faisait partie de ceux que je ne voulais pas manquer (l'ayant loupé il y a dix ans). Hélas, les crises économiques se répètent, se succèdent, s'amplifient. Et les Etats-Unis n'y répondent pas plus que les autres, sinon moins. Un regard sur le quotidien des populations, c'est toujours instructif. Amitiés.

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