L'écrivain S.S.Van Dine (1888-1939) prétendit jadis codifier les intrigues à suspense. Il affirmait, règle n°3 : “L'amour n'a pas de place dans le roman policier.” Sans doute est-ce un des rares principes à retenir dans ces règles qu'il édicta. Homme ou femme, le personnage central d'un roman est forcément solitaire. Qu'il mène une enquête ou qu'il doivent se défendre face à une accusation, qu'il se venge ou qu'il soit victime, le héros doit parvenir seul à ses fins, ou tout rater. C'est ainsi que, dans les bons romans noirs, le dénouement est plus souvent fatal que vraiment optimiste.
Même Peter Cheney (1896-1951), qui n'était pas le plus inspiré des auteurs, fut capable de jouer avec cette idée. “Un sentimental” est une des nouvelles du recueil “Je suis un grand sentimental” (1950, coll.Un Mystère). Il y est plus question d'amitié que d'amour, néanmoins les dernières lignes de ce texte sont évocatrices : “Sans doute, je ne dois m'en prendre qu'à moi-même. J'avais pleine confiance en Paula. Je croyais candidement à l'amitié d'Hubert. Ils étaient mes amis. Je les croyais sincères et loyaux. Ils m'ont lâchement abusé. Et vous verrez que, dans les journaux, on dira lors de mon procès : «Encore un de ces soi-disant hommes du monde ! Un de ces désœuvrés tarés !» Pourtant ce sera faux. Vous le savez bien. Je n'ai été, et je ne suis qu'un bon garçon trop sentimental.”
Ni amours, ni amis, rester un pur et dur, aller droit au but en évitant les sentiments, telle devrait être la devise du héros de roman noir. Dans son excellent roman “Polarama” (Actes Noirs, 2013), David Gordon nous le rappelle : “Pour tout vous dire, je préfère le suspense à l'ancienne, avec un assassin qui meurt à la dernière page, sans détails à l'eau de rose sur la vie privée du héros. Quand un détective apprend qu'il a une tumeur, ou que des terroristes ont enlevé sa femme, je me dis que la série est sur le déclin, ou que l'auteur est au bord du gouffre. Arrêtez de nous emmerder avec vos problèmes personnels. Faites votre boulot, un point c'est tout. Dans ses premiers romans, Dashiell Hammett, le maître de la vieille école en personne, ne s'embêtait pas à donner un nom à son détective. Le narrateur n'était qu'un type un peu courtaud avec un flingue et un chapeau, qui fumait trop de Fatimas. Il débarquait en ville dans un costume froissé, résolvait l'affaire et repartait par le train suivant...”
Aussi noir soit-il, le suspense a pris au fil du temps une dimension autant psychologique que sociologique. Ce qui inclut une grande part de sentiments dans les intrigues actuelles. Y compris de l'amour, et pas seulement dans les polars dits “romantiques”. Pourquoi donc ces digressions ? Pour présenter le n°15 de la revue L'Indic, où il est question d'amour dans le polar. En voici le sommaire complet :
Dossier Polamour (par Jocelyne Hubert, Julien Védrenne, Caroline de Benedetti, Geoffroy Domangeau, Eric Maneval, Emeric Cloche et Julius Marx)
Garde à vue : Hubert Tézenas – La musique adoucit les moeurs : Une épinette dans le tarot (Tarot, William Bayer) par Emeric Cloche
Dernière séance : Scènes d'amour vues par Sophie Loubière, Pascal Dessaint, Jean-Hugues Oppel et Fred Gevart / Nicholas Ray et Billy Wilder (par Julius Marx)
Focus : Brigade Mondaine, par Claude Le Nocher
Verdict : chroniques des livres : Road Tripes, Sébastien Gendron - Sale temps pour les braves, Don Carpenter - La vie est un tango, Lorenzo Lunar - Une histoire d'amour radioactive, Antoine Chainas - L'expatriée, Elsa Marpeau - Chinese Strike, Michel Douard - La ligne de sang, DOA - Une belle saloperie, Robert Littell - La voix des maisons, Jean Songe - Black Coffee, Sophie Loubière - La maison, Nicolas Jaillet - Necroporno, Robert Derval - Maintenant le mal est fait, Pascal Dessaint - La nuit, Frédéric Jaccaud - À l'aube d'une autre guerre, Yann-Fanch Le Fur - Misty, Joseph Incardona - Un long moment de silence, Paul Colize - Du Polar, François Guérif
Affaires classées : L'amour mort ou vif, Richard Lortz – Comparution immédiate – Main courante, la rentrée littéraire – Serial Bobines: Pascal Garnier par Hermance Triay
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